Les gravures rupestres du Signal de la Lichère (Branoux-les-Taillades, Gard)
Philippe Hameau
D. Vaillant
[page-n-157]
AROtIVO DE PREHIS'TORIA LEVANTlNA
~. XXIII (VaImcia. 1999)
PHILIPPE HAMEAU· ET DANIEL
VAI~··
LES GRAVURES RUPESTRES DU SIGNAL DE LA L1CHtRE
(Branoux-les-1àlUades, Gard)
Rfluml : Les pentes nord et est de la monlagne de la Lichè'e ponenl des rochers Jf'I.vés de lipes CD an:eau el
de cupules. Au-dell des possibililb du Iemin. c' est la lMmalique qui a dftennirM! le Cboill des rocheR. On constate
une proaressioa en nomM de rochers el CD nomM de lipcs ~1emenlll'altilude, des concenttltioos de rochers
en milieu de penle el une convergence des supports orn& vetS le sommee de la montagne.
Jtnumea: 1..05 ribazos DOrIe Y este de la montaAa de la ~ uientl/\ un conjunto de roquedos arabados con
sigDOS en arco y con cllpulas. Mu allll de las posibilidades dei terreno, es 1. te:mitica la que ha detenninado la eJec.
ci6n de nlos roquodos. Patalelamente. la altitud bay conswada una progresMSn en nl1mero de roqucdos y en mlmero
de lignas, COI'ICentnciones de roquedos a medio ribazo y Uni ronveraeocil de soportes deoondos bacia la cumM de
1. montafta.
1. PRESENTATION
1. LE SITE
Les rochers gravc!s dont il est question ici sont essenlÎeIJement locaJj~s sur la commune de
Branoux-les-Taillades (Gard), dans les Cc!vennes (fig . 1). Ils occupent les nombreux rebords de
crele qui convergenl vers le sommel de la montagne dit Signal de la Lic~re (899 malt.) el donUnenlla vallœ du Gardon d'AI~s (fig. 2). Le substral y est schisteux et soumis à une c!rosion diffc!renlieUe selon les zones el meme les dalles. Aux rebords de cretes dc!nudc!s ou ombragts de
rares pins et genc!vriers succèdent des pentes parfois abruptes et des combes fraîches 00 la vc!g~
tation arboIÛ et arbustive est parfois très dense .
• CA.V. el E.R.A. 36 du C.U . du C.N.RS. · 14. lvmue Fn!dbic MiImI81lJ6 Fon:alqudrec (fnDr:e) •
•• A..s.E.R. du Cmue-Var · Le LoaWon 07000 SainI·}ulieft...m.$aiJu·Albu (Franee).
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Nous avons ~nomb~ une dizaine de stations gravœs autour du point culminant. placfes ft
des altitudes diverses, entre S50 m et 850 m. Certaines ne compte qu' un ou deux rochers grav~s.
O'autres sont de v~ritables concentrations de plusieurs dizaines de ces rochers orots. Au sein des
groupements les plus importants. ont tté érigés des dolmens ou des coffres (fig. 3), tous vi~ de
longue date. et un petit menhir.
Les gravures de la zone appel6e Comber~ge (en ~alité le Dev~) ont été signalées par
P.Bellin ~s 1963. J.Salles a publié le ~sultal de ses prospections dans l'ani~re-pays alésien et ft
Branoux-les-Taillades plus particuli~rement en 1971. Pourtant, en dépit de leur nombre. les
rochers gravts du Signal de la Lichùe ne sont que rarement cilts dans les études de l'art postglaciaire. Cela tient sans doute à la sobriété du corpus exprimé puisque signes en arceau et
cupules re~sentent la quasi totalité des figures gravées, Pounanl. ceux-ci s'associent entre eux
et s'imbriquent selon une multitude de combinaisons qui se prêtent à l'analyse. Il nous semble
utile de prisenter ici nos observations et nos ~f1exions relatives l ce corpus iconographique
~uit.ll s'agit moins de reprendre nos hypotMses sur la charge ~mantique des figures pour lesquelles nous renvoyons lia bibliographie que d'exprimer la ~partition raisonn& des figures sur
un site grav~.
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t'lg. 3.- Relevé du pelll dolmen n' 3 de 1. zone du Devès.
2. INVENTAIRE DES ROCHERS GRAVÉS
Nous les présentons sous la forme de quatre tableaux.
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D. ORGANISATION DU SITE
1. RtPARTITION DES ROCHERS
La densiti! des rochers gravbi est ~s dilfhente selon les zones considi!ri!es. Les groupes vraiment co~uents sont. par ordre d'importance, le Dev~s, les Avessets et les Taillades. Us totalisent à eux trois III rochers gravi!s, soit 84% de ceux que nous avons recensés dans cette ~tude.
La zone du Dev~s compte 58 rochers gravbi, soit 44% de l'ensemble (fig. 4). C'est aussi la
seule zone qui montre une diff~rence interne de densiti! de ses rochers. Dans la partie supi!rieure,
au-dessus de l'isohypse 630, on observe une concentration de rochers gravi!s qui sont dans le
mlme temps les rochers qui portent le plus grand nombre de gravures. Ces rochers sont en bordure de crete et il s'agit de grandes dalles dénud6es. Le groupe mi!dian des rochers du Dev~s
correspond grosso modo à la zone comprise entre le coffre n° 2 et le dolmen n° 3, soit une distance de ISO m environ et un di!nivelf de 30 m. 1I est constitui! d'une trentaine de rochers grav~s,
soit la moitif des rochers de la zone. Ceux-ci sont dissi!mini!s et certains tœs en retrait du rebord
de crlte, à la limite de la zone sous couvert forestier. Le groupe inffrieur est constituf de Il
rochers align~s sur le rebord de crête mais i!talfs sur une distance de plusieurs centaines de
rœtres. Les quatre rochers les plus bas sont presque masqubi par la chJitaigneraie.
Les rochers des Avessets scandent plus rtguli~rement le rebord de crlte qui domine le versant méridional du ravin de Combef~ge. Le rocher le plus bas est à 480 m d'altitude tandis que
le rocher le plus haut est à près de 700 m d'altitude mais tous conespondent à des dalles et surtout" des blocs en saillie au-dessus d'une pente très raide. La densiti! des figures est certes plus
importante sur les rochers les plus ~Ievés mais la disparité est tout de nteme moins nette que pour
les rochers du Dev~ .
La zone des Taillades s'i!tend de l' isohypse des 550 mjusqu'au replat qui porte les deux dolmens et le menhir à l'altitude de 730 m environ. Ce n'est pas à proprement parler un rebord de
crlte mais plutôt une croupe rocheuse, pentue, de laquelle ~mergent des rochers. Les supports
orni!s sont dissi!min~s sur cette pente sans que l'on observe des groupements plus importants. Les
rochers les plus omi!s sont toutefois en milieu de pente. En contrebas des Taillades, un vaste
replat de terrain. à 500 m d'altitude, porte le dolmen des Caussiers et quelques rochers omi!s.
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PHlUPPE HAMEAU et DANlEL VA1U..ANT
Ces trois groupes sont donc situés entre 550 m et 730 m d'altitude, pratiquement à mi-pente,
entre le talweg du Gardon d'Alès (300 m environ) et le sommet du Signal de la Lichère (899 ml.
En distance, ils se trouvent beaucoup plus près du point culminant que de la rivière, approximativement sur le tiers su~rieur du versant. En dessous d'eux, les rochers ornés sont rares et les
gravures peu abondantes sur leur support. Près du sommet. trois départS de rebord de crête portent des rochers gravés. Ceux-ci sonl épars, peu nombreux et les figures ne sont pas abondantes.
Le sommet lui-même, très arrondi, ne porte aucun rocher gravé.
On constate donc un agencement particulier des groupes de rochers gravés, en zone élevœ
sans toutefois vraiment occuper le sommet, avec une prédilection pour les zones en rupture de
pente où la gravure domine un large panorama. Curieusement. le regard porte vers le nord et l'est,
vers la vallée du Gardon, alors que la plupan des sites ornés du sud de la France. rupestres et
pariétaux, affectionnent des orientations entre sud-ouest el sud-est. fi existe aussi quelques
rochers gravés en bas de penle méridionale, près du talweg du GaJeizon, mais il ne s'agit absolument pas de concentrations alignées sur des rebords de crête dirigés vers le Signal de la Lichère.
L'orientation des rochers de la Lichêre est donc singulière. Les causes en sont peut-être géologiques (affleurements schisteux, rebords de crête) mais il n'est pas impossible que d'autres paramètres, moins évidents, de nature symbolique, interviennent sans que nous puissions les interprêter
en l'état actuel de la Recherche.
Les trois concentrations importantes décrites prtcédemment comprennent des rochers ornés
mais aussi des structures sépulcrales et pour celle des Taillades un petit menhir. Cela semble aussi
leur conférer une place particulière dans l'agencement général du sanctuaire. La coexistence de
structures sépulcrales et de supports ornés est un fait récurrent (grottes sépulcrales et peintes,
tables de dolmens cupulées, stèles représentant l' idole à l'entrée de cavités sépulcrales ou servant
de piliers à des dolmens, etc). Dans le Languedoc, il n'est pas rare que cette coexistence de dolmens et de gravures soit celle observée ici :
2. RtPARTITION DES FIGURES
La répartition des signes connait les mêmes différences spatiales. En ~gle générale, dans
chacun des trois grands groupes considérts, on a vu que l'eltubérance de la décoration s'accroît
avec J'altitude. Les zones gravées plus haut ou plus bas ne comptent qu'un faible nombre de supports et une décoration souvent minimaliste. Beaucoup de rochers sonl monocupulés autour du
sommet de la Lichère. Les cupules sont un peu plus nombreuses en bas de pente mais le signe en
arceau y est résolument absent.
Dans les trois zones principales. les cupules sont présentes sur la presque totalité des rochers.
Le fail n'est pas singulier puisque ce signe représente généralement 80% du corpus représenté
sur les sites ornés, calcul réalisé pour l'ensemble des sites gravés du sud de la France. Lorsqu' on
considère les abris à peintures de la même région. le point. version picturale de la cupule, gravée,
est présent dans les mêmes proportions.
La cupule peut être la seule figure de son support même si elle est reproduite en plusieurs
eltemplaires. Elle peut aussi accompagner le signe en arceau. Dans le premier cas, ce sont surtout
les rochers les plus bas ou bien les rochers périphériques aUlt concentrations internes qui portent
les cupules. Ainsi, pour la zone du Devès, les cupules seules affectent surtout les rochers placés
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lES GRAVURES RUPESTRES DU SIGNAL DE LA UCHUE
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jnf~rieures
ou bien les rochers nettement en retrait du rebord de crete. Par voie de
les signes en arceau sont gravés sur les rochers les plus hauts en altitude ou bien
sur ceux qui occupent la rupture de pente et ses abords. A cette partition spatiale de l'iconographie s' ajoute la place lai~ aux bassins et aux cupules reliœs par des drains, tous grav~s sur
des rochers fonnant saillie au-dessus de l'abrupt nord.
La ~partition des figures est encore plus stricte dans la zone des Avessets où les rochers
s itu~s aux deux extdmit~s du rebord de crête ne sont ornés que de cupules ou d'~hancrures. Les
trois rochers portant des signes en arceau sont situ~s dans la moiti~ supérieure du groupe, au
niveau de l'isohypse 650. Dans la zone des Taillades, les cupules occupent pratiquement tous les
rochers. Quelques supports sont grav~s d'arceaux, l'un sur le replat qui porte les deux dolmens
et les autres sur des rochers s itu~s A mi-pente, ceux-là juslement où la d~oration est plus exubtrante. Toujours A mi-peRIe. quelques rochers fonnant saillie portent des cupules reli~es par des
drains.
aux altitudes
con~uence,
3. AGENCEMENT GtNtRAL
Ces premi~res observations nous font supposer un agencement ~fl~hi des rochers gravés
sur les pentes de la Lic~re (fig. 5). U existe manifestement une convergence des gravures vers
Je sommet, aidœ en cela par la configuration du terrain. Il y a aussi un choix des supports puisque
tous n' ont pas ~t~ grav~s. Les rebords de crête du Dev~ et des Avessets se pr!tent remarquablement A J'ornementation ce qui vaut à ces zones d'être les plus omœs. Les grandes dalles de la
partie supérieure du Dev~ ont ~ naturellement attm la majorit~ des figures (fig . 6). Aux
Taillades, l' exu~rance de la d&:oration a touché la zone rocheuse la plus remarquable, là 00 les
supports dominent v~ritablement une pente qui n'est pas un rebord de crête. Les dolmens et coffres ont ~t~ ~rigés dans les memes zones riches en gravures, lA 00 des replats permettent l'installation des structures. C'est pourquoi, un dolmen existe aux Caussiers, zone plane, et non dans la
partie basse des Taillades, zone pentue.
L'iconographie se superpose A cette organisation spatiale. Les cupules isolœs ou group6:s
mais non accompagnœs d'autres figures occupent les marges des grandes concentrations de
rochers ou bien concernent les rochers situés plus bas sur la pente ou plus hauts, prts du sommet.
Les supports grav~s du Plan de Layre, du Plan de Jonquet, de RancarMe et mame des Caussiers
semblent annoncer les rochers les plus bas des zones du Dev~s, des Avessets et des Taillades. Les
supports grav~s de la Lic~re semblent ~~ter les rochers les plus haut des trois zones p~-citks .
A l'int~rieur de chacune des grandes zones, les rochers grav~s d'arceaux sont en effet encadœs
de rochers cupulés. Au Dev~s, où les rochers grav~s sont particuli~rement nombreux, on observe
plusieurs sous-groupes où se reproduit la rtteme partition : des rochers à cupules en péripMrie des
rochers Aarceaux (fig. 7). Seuls les supports gravés de bassins ou de cupules reUœs par des drains
sont strictement ~pendants des possibilitts du substrat puisque ~itant un emplacement en
surplomb.
Cette ~partition dans l'espace. des supports et de l'iconographie, est d'aulant plus remarquable que le nombre des gravures induit une longue d~ d'utilisation du site. U y a donc eu
rEutilisation de rochers ~jA gravés, investissement de nouveaux supports, reproduction des
figures et nteme des ~mes sans v~ritable bouleversement de la structure g~n&ale du sanctuaire.
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PHILIPPE HAMEAU et DANIEL VAIlLANT
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fla.. 5.... RfputltioD de l' kooopapbit ...Iour da SIpal de la L.kbb-e.
A : dominance des rocheR om& de cupules sans arceaux.
B : dominaDce des roc:hen om& de signes en arœau.
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LES GRAVURES RUPESTRES DU SIGNAL DE LA UoŒRE
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L'expression symbolique centrale est le signe en arceau, accompagn~ ou non d'une cupule. La
cupule non associ~e li d'autres signes se trouve en marge de cette iconographie principale. Ce
système concentrique est valable pour l' ensemble du sanctuaire. pour chacune des trois grandes
zones à gravures et même pour chacun des sous-groupes à l'inl~rieur de la zone du Devès. Seuls
les bassins et les cupules avec leurs drains ne répondent pas à cette logique spatiale puisque tri·
butaires des particularit~s du substrat Toutefois. ils n'existent. exception faîte du rocher du Plan
de Layre, que dans les trois grandes zones à gravures.
m. LE CORPUS ICONOGRAPIDQUE
1. LES CUPULES
Ce sont les figures les plus nombreuses. Le site compte 317 cupules au total. soit 54'*' des
figurations grav&s. Ce sont des signes simples et d ' une ex~ution rapide qui accompagnent souvent les autres figures mais peuvent aussi être isol& ou en groupes mais sans figure d'accompagnement. Ici, les cupules sont parfois associhs aux signes en arceau en des agencements
vari~s : cupule unique au centre de l'arceau ou dans l'axe d ' une des branches de l'arceau, cupule
à chaque extdmi~ des branches d ' un arceau ... En ~gle g~n~raIe. il n'y a pas à la Lichère ou sur
d'autres si tes m~ridionaux profusion de cupules autour d'un arceau. Par contre, on observe cette
duplication de cupules, parfois à l'excès. dans le cas d'association de ce signe avec le personnage
masculin (rochers de Creysseilles en Ardèche). Ce fait est ~galemenl observable sur beaucoup de
sites peints o~ l'on voit un personnage masculin entoure d'un "nuage" de ponctuations: abri
Perret n° 1 (Blauvac, Vaucluse), abri Gilles (Saint-Marcel d' Ardœhe, Ardèche). Il semble ~vi
dent qu' à chaque fois se juxtaposent plusieurs moments d'ex6cution .
la technique de réalisation des signes en arceau consiste l juxtaposer des cupules. On
obtient ainsi une ~rie de creux qu'on ~galise ensuite par un mouvement de va-et-vient. Quelques
exemples sont restts en cours d'~laboration , volontairement ou non, comme sur les rochers n 31
ou n° 48 du Dev~ . Ailleurs, les cupules sont dtsonnais invisibles bien qu'elles aient exisl~ en un
premier temps. On peut se demander si elles n·~taient pas présentes de fait dans l' esprit de leurs
auteurs. En effet, l'idole et le signe cupult fusionnent parfois selon le principe de contraction bien
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lES GRAVURES RUPESTRES DU SIGNAL DE LA L1oŒR..E
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connu dans l'art sc h~matique . l 'abri peint de Fontjouval (Saint Saturnin les Apt, Vaucluse) abrite
aussi une idole dont le contour est punctiforme. Des sites itM!riques Iiit~rent le m!me principe.
En revanche, le personnage masculin n'est pas 8SSOCi6 au point ou à la cupule dans les mernes
termes. Nous supposons que cette diff6rence stylistique implique peut-!tre une diff6rence ~man
tique entre le personnage masculin et l'idole.
Sur les zones du Dev~, des Avessets ou des Taillades, les cupules participent nettement d'un
c6limoniel, d~jà signal6 par d'autres chercheurs en d'autres zones (J.Abelanet 1986, 1990,
Y.Slaize 1992195), mais que la nticrotopographie met en eltergue ici. Il s'agit du lien qui existe
entre les cupules et les drains (ou rigoles) (fig. 8). La complémentarité de ces deult signes s'adresse à des rochers srictement en rebord de crête ou rehaussés naturellement par rapport à la
pente. Certains de ces rochers se prtsentent comme de v6ritables autels, des tables de pierre en
relief par rapport au sol environnant, avec une face sup6rieure 16g~rement oblique. Au sein d' un
Iiseau parfois dense de petits drains, les cupules sont disposé:es sans organisation apparente: au
carrefour de deux drains, en un point particulier du drain, en dehors de celui-ci... On a parl6 d'un
jeu de l'eau (pluviale, lustrale) utilisant des drains aménag6s par l'homme et orient6s dans le sens
de la pente. Quelques exp6rimentations sur le site ont permis de v6rifier une nouvelle fois cette
hypothèse. Il apparaît aussi que les cupules hors rigoles sont creusœs en des points qui reçoivent
le trop plein d'eau. Leur emplacement ne serait donc pas le fruit du hasard, encore faudrait-il
Iiptter l'exptrience sur bien des sites pour donner à ce fait une valeur plus globale. Les bassins,
souvent pourvus d'un d6versoir naturel ou réali~ par l' homme et strictement locali~s en rebord
de crete, semblent apparent& aux rochers avec cupules et drains.
Reste à comprendre la signification de ces multiples "autels" : ntcessit6 d'en red6finir un à
cbaque passage sur le sanctuaire, appartenance de chacun d'eux à des individus ou groupes d'individus différents, etc ? A la Lich~re, ces rochers sont gravés hors des structures sé:pulcrales. Sur
d'autres sites, la table des dolmens est gravée de cupules et de drains parfois associés à des croÎx
et semble donc jouer le marne rôle. Nous ne connaissons pas d'exemples ail. cupules et drains
cohabiteraient avec le signe en arceau. Peut-être est-ce là une preuve supplémentaire d'une différence ~mantique entre le personnage masculin (la croix) et l' idole (l'arceau)?
1. LES SIGNES EN ARCEAU (FIG. 9)
La zone du Dev~s compte une densité singuli~re de signes en arceau mais si l'on doit
compter avec l'ensemble des figurations du site, leur proportion choit considtrablement: 32.5%
de signes en arceau. On observe trois formes principales :
-des arceaux à branches parall~les et sommet arrondi, les plus nombreux,
-des arceaux à branches parall~les et sommet aplati,
-des arceaux à branches écartées et sommet aplati.
Les deux premi~res fonnes sont ubiquistes et cohabitent souvent sur un m.!me support. La
troisi~me forme n'est observable que sur le rocher n° 16 du Oev~, un rocher un peu en retrait du
rebord de cr@te. Acette morphologie différente, s'ajoute le rapport largeur-hauteur comme suit :
-I
-I=h : 13.5% des cas et correspond aussi aux formes 1 et 2,
-bh : 35% des cas et correspond majoritairement à la forme 3.
-169-
[page-n-170]
170
PHIUPPE HAMEAU et DANIEL VAJu.ANT
•
T
L
•
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•
•
•
roc:ben.
FIJ. 8.- La
cupuJes ft d ...... (ou "auldl'").
1. Plan de Larre. 2. rocher ne '6 des Taillades (rdeWi et coupe).
3. rocher n'"20 du Dcvà.
-170-
•
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LES GRAVURES RUPESTRES DU SIGNAL DE LA L1CH~RE
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Morpholoale
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SeM de lecture
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MOI'pholoaie. posilion. associllion el conll'llC1ion.
-171-
171
[page-n-172]
172
PHIUPPE HAMEAU el DANIEL VAllLAJIn'
Les dimensions des signes en arceau sont ~s diverses puisque le plus petit d' entre eux
mesure 35 mm 1 x 35 mm h et Je plus grand 190 mm J x t 80 mm h. La largeur moyenne est de
92 mm et la largeur moyenne de 94 mm. En ~gJe g~~rale.l'arceau est plutôt trapu avec une Jar·
geur qui n'est pas tœs diff~rente de la hauteur. Meme si ces arceaux ont ~te graves à des des
moments et des endroits differents. les proportions largeurlhauteur se sont pe~tu&;s. Enfin. il
existe un sens de lecture du signe en arceau qui peul !tre droit, couc~ ou inve~.
Les rochers 00 abondent les signes en arceau nous pennettent en outre plusieurs observations
sur les ~gles qui rigissent leur association avec un autre signe (fig. 10). L' arceau peut être juxta~ à un autre arceau, !trt associe à une cupule voire les deux cas simultanément. Or. par principe de contraction. ces associations peuvent prendre des formes inusit6es. Deux arceaux juxtapo~s peuvent avoir une branche commune jusqu'à, n'! tre plus qu'un signe en accolade allongfe
nMti d'un trait m61ian. Deux arceaux juxtaposts peuvent ~galement!1re rep~sent6i selon deux
sens ditT~rents si bien qu'il en ~sulte une figure rectangulaire allongœ verticalement. Dans ces
exemples d' un double arceau, le rajout d'une cupule obéit à une ~gle stricte : un arceau est
cupul~, souvent celui de droite, et l'autre ne l' est pas. Enfin, le doublement peut s'exercer sur
deux arceaux de tailles diff4!rentes.
10
fi&, 10.- Le tJWaw de III double idok.
Relcvt de plusicun cu du doublemcat de ruœau lla 7.Ol'lC du Devb.
-
172 -
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LES GRAVURES RUPESTRES DU SIGNAL DE L4. UCHru
l7l
Ces divers exemples d'inversion, de duplication et d' association dans lesquels figure le signe
en arceau sont connus sur d'autres sites, rupestres ou pari6taux. Le p~nt site offre l'avantage
de multiplier ces !Mmes sur des supports ~ voisins et de nous permettre de concevoir la fiLia·
tion d'une forme à une autre. Sans l'observation du caract~re syst6matique du double arceau, il
nous serait difficile d'identifier le signe en accolade à trait m&tian, par exemple.
3. LES AtrrRES SIGNES
Les rochers de la Lichère portent çà et là d'autres figures , d6pendantes du corpus scMma·
lique mais très faiblement représent6es ici (fig. II). Le rocher nO13 du Oev~s porte deux grilles
accol6es ou plutôt deux marelles puisque chacune de ces figures comprend des diagonales. Il
semble qu'une cupule en marque le centre. Le meme doublement de la grille a 6t6 signalé par
J.Salles (1971) à )'Aubaret· Vieil (Saint-Julien des PoinlS, Gard). Sous le Signal de la Licb~re en
direction du Devès, un rocher porte un signe pédiforme de 250 mm de long dont le talon est
occup6 par une cupule. La fonne est nette malg~ le délitage du rocher. Il s'agit d'un pied droit,
unique, ce qui existe en d'autres sites rupestres. Toutefois, les pieds sont généralement gravés par
paires et celles- La zone des AvesselS compte de nombreuses «hancrures de l'scele du support. Certaines
d'entre elles semblent une cupule réalis6e trop près du bord, lequel se serait bri~ involontaire·
ment lors de sa confection. Le fait est ~ité~ quatre fois et ne peut etee fortuit. Il y a peut-ltre eu
volonté ~Ii~rte d 'enlever de la matÎbe. Ainsi. l'mie du rocher n· 26 est "grignot6e" par une
~rie de petites encoches sur 7tJJ mm de longueur. Sur le rocher n· 13, l'échancrure se mue en
une entaille Ie!g~rement curviligne de 370 mm de long. Sur d'autres rochers des AvesselS, l't.
chancrure n'est pas totale si bien que la fonne obtenue est celle d'un talon, comme si la cupule
avait avorte!.
U faut signaler, bien qu'il s'agisse peut.être de cupules d ' une morphologie partjculi~re, les
petites d6pressions de plan ovale, losangique ou carrée. Au nombre de ces demi~res , il y a peut·
être de simples ne!gatifs d'aménagemenlS de structures, notamment pour les empreintes cubiques
de Rancarède, p~s du hameau du Castanet. Aux Caussiers, le rocher n° 23 est grav6 de deux
petites cupules reliées qui fonnent une figure dite "en ba1t~re", connue sur d'autres sites rupes·
tees. L' un des rochers les plus bas de la z.one du Dev~s porte aussi une double cupule mais le creu·
sement de celle- schisteuse. Celle- bobine. Ya t'il filiation entee cette curieuse forme et l' idole dite "en bobine" (volume) ou "en
sabUer" (plan) ? Nous ne saurions le dire d'autant que cette forme de l'idole est inusit6e en France
et n'apparaît en Espagne qu' au sud du cours du Tage. J.Salles (1971) signale d'autres cupules
biforks sur les rochers des Coodoulous (Saint And&JI de Clerguemort, Gard).
Enfin, nous avons relevé quelques rares traits courts. U ne sont jamais assez. probanlS pour
que nous puissions les identifier comme des signes anthropomorphes masculins.
- 173-
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17.
PHlUPPE HAMEAU ct DANIEL VAILLANT
••
•
' 3 ..
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' II . '
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· 7 .
•
•
fi&. 11..... Dlnn Iipa pan. MIr'" ptata de" lJcWn.
1. cade ponctœ. 2. 6dwx:rure., 3 et 6. marelles. 4. sianes en an:uu ouvert,
S. liane pMironne. 7 ct 8. an:aw: cupulb, 9. sip "en baltà'e".
-114-
••
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ŒS GRAVURES RUPESTRES DU SIGNAL DE LA LlCHÈtE
'"
4. DATATION
Le corpus iconographique décrit pœœdemment est celui qui est habituellement da~ des IVe
et lUe milltnaires avJ .C .. Le signe en arceau est un excellent marqueur chronologique. fi s'agit de
l'idole. sehtmatis«, sous la version qui ne garde de cette figure que sa fonne gtntrale. celle d'une
borne (volume) ou bien d' un arceau ou fer.il.. cheval (plan). Les st~les. daUes anthropomorphes et
autres statues-menhirs du sud de la France, et même de la ptninsule ibtrique. sont ordinairement
dattes du Ntolithique final, soit une longue durœ de temps comprise entre 3500 et 2200 avJ.C.
(D' ANNA et aHi 1995). Il semble en revanche qu'elles survivent ~ rarement au passage du ne
milltnaire av.J.c. L'ensemble des rochers de la Lichère est trts certainement datable de la p!riode
indiqute ci-dessus. Peut-atre l'accumulation des rochers cupults en marge de ceux priviltgiant le
signe en arceau indique-t'elle une perpétuation de la fréquentation des lieux. Dans tous les cas,
nous pensons qu'il ne faut pas confondre la ou les ptriodes d'exfcution des figures (série de
moments brefs mais peut-être ttruts dans le temps) et la ptriode de comp~hension de cet art. sans
doute plus longue que la premi~re. Etait-il obligatoire de graver la pierre .il.. chaque passage sur le
site? Nous ne pouvons le pœlendre mais l'bypothèse nous semble viable.
Sur le site, nous n'avons pu réaliser aucun sondage et n'avons en conséquence d6couvert
aucun objet mobilier. J.Salles (J971) signa1e le ramassage sur le sile du Devès de "disques en
micaschiste, ~s plats, minces, de fonnes .il.. peu p~s œguli~res aux bords grossi~rement taiUts et
mesurant en moyenne 20 cm de dimœtre". n rajoute qu '''une plaque micaschlsteuse un peu plus
grande, ovale, pr&ente en son centre une perforation biconique." Des plaques de schiste atmnagtes existent sur d'autres sites Ofll&. R.Guiraud en signale notamment pour les grottes peintes
du Poteau et Labeil .il.. Saint-Pons de Thommi~res (Htrault) (GUIRAUD 1961). U pense qu'il
s'agit là de plats .il.. pains. Divers usages ont t~ atbibu& à de tels disques de pierre ou de terre
cuite mais leur possible dimension tso~rique n'a jamais t~ soupçonnte. Ce sont de toute façon
des objets trop simples pour qu'on ne leur assigne qu'une utilisation unique et pour qu' ils n'aient
t~ pœsents qu'à une seule ~poque.
Les sépultures proches des rochers gravts, vid~s de leur mobilier depuis des dtcennies, ne
nous appportent aucun t~moignage chronologique ou culturel suppl~mentaire. La dwU de leur
utilisation s'est ttal~ sur plusieurs si~les. Les nettoyages et reprises des memes structures tels
qu'on a pu parfois le mettre en tvidence prouvent que le mat~riel recueilli n'est pas toujours ~v~·
lateur de la totalitt de leur usage.
Enfin, nous avons relev6 sur le rocher n° 5 de la Lich~re, en direction du Dev~s, 7 signes
soltiformes finement incisfs, certains presque masquts par les lichens. 11 s'agit de gravures seM·
matiques Iinbires ordinairement attribu~s à la ptriode historique sans autre ~ision . Les
limites chronologiques que nous leur connaissions sont le De si~le avJ.c. pour les plus
anciennes (ABELANET 1916, 1986, 1990,ACOVITSIOTI-HAMEAU" HAMEAU 1990) et le
dtbut de notre XXe si~le pour les plus rtcentes (HAMEAU 1994). Ce qui importe ici, c'est la
reprise du sanctuaire pœhistorique par une expression schtmatique r6cente. A ce jour, nous ne
comptabilisons pas moins de 17 reprises de sites prthistoriques grav& ou peints par l'art lintaire dans le sud de la France. Cet art lintaire existe aussi dans la ftninsule i~rique, ce qu'on
appelle "aJte dei Cielo de Solacueva-Galerfa dei SOex", et est connu dans tout l'arc alpin (Val
Camoruca, Maddoine grecque, etc ... ). Ici ou là, il relaie parfois des iconographies nettement
plus anciennes.
-115-
[page-n-176]
".
PHIUPPE HAMEAU et DANIEL VAIlLANT
IV. LA THÉMATIQUE GENERALE DU SANCTUAIRE
Les figures
caract~risliques
du sile. par leur nombre et par la volontt de les associer. sont
donc les cupules et les signes en arceau. Les cupules sont l'eJl:pression simplifiée du signe solaire;
ce sont des signes sol~ifonnes. Nous leur supposons une valeur eschatologique el de renaissance
tout à la fois. liminaire en tout cas, en constatantl'imponance du symbole solaire au niveau de
la mort physique et symbolique (orientation des ~difices ~pulcraux et des sites omts oi) nous
supposons des rites de passage (CHOPIN et HAMEAU 1996). Les arceaux sont, nous l'avons
dit, l'une des versions simplifiée de l'idole. La juxtaposition de l'idole el du signe sol~iJonne est
l'un des cas d'association de deux figures schématiques les plus f~uents. Seule change en fail
la version graphique qui exprime chaque signe: idole ~aliste et cupule ou point, arceau et soleil,
ou comme à la Lic ~re arceau et cupule. De plus. ce cas d'association existe en gravure, en pein·
ture comme en sculpture. Il est d 'autant plus important de souligner ce fait que nombre de chercheurs français dissocientl'aJt exprimé par les st~les, de l'art gravé et peint, n'acceptant pas que
des mécanismes de schématisation ou d'association ligissent le premier comme ils le font pour
les deux autres (HAMEAU 1996). Or,les st~les cupul&:s qui expriment l'association idole-signe
soléifonne sont ubiquistes : st~les venaissines, st~le d'Euzet-Ies-Bains (Gard), st!le du Mas
Capelier (Aveyron), st!le de Redonde! (Hérault), st~le de la Souli!re (Tarn). st~le de Tabuyo dei
Monte (Leon) ou st!les de Sejos (Cantabria). etc ...
Plus intéressantes encore sont les associations de deux idoles et les versions graphiques que
subit ce th!me par ailleurs friquent et dit de "la double idole" (HAMEAU 1996). L'idole est
gémin&: en gravure, en peinture comme en sculpture et peut l'être sous différentes versions graphiques : deux st!les réalistes dans un même site (Cazarils ou Bouisset, Hérault), aven Meunier,
Gard), deux T faciaux sur une même paroi (grotte Resplandy, Hérault ou Reboso dei ChoriUo.
Almaden), deux arceaux gravés ou peints (rochers de Creysseilles, Ardkhe, Baume Peinte,
Vaucluse ou grotte Alain, Var). etc ... Des cas de contractions existent telle la stèle de l'Isle-surSorgues (Vaucluse) dont chaque face est gravée d'un visage.
A la Lic~re, nous avons également signalé des exemples de contractions : signe en accolade
à trait médian et signe rectangulaire. Nous avons aussi constaté dans le premier cas que la duplication de l'idole était asymétrique puisqu'un seul des deux arceaux était nanti d'un signe soléi(orme. Cette asymétrie existe sur d'autres sites : doubles arceaux peints ou gravés dont un seul
est ponctué à Creysseilles (~he), Baume Peinte (Vaucluse) ou à la grotte Alain (Tourves),
st!le de l'isie-sur-Sorgues (Vaucluse) dont une seule face est cupul&:, etc ... Elle peut revêtir
d'autres fonnes : st!les de l'aven Meunier (Ardèche) dont une seule est pourvue d'une crosse, T
faciaux du Reboso dei ChoriUo (Almaden) dont un est pourvu de quatre yeux, etc ...
L'idole el notamment la double idole est donc le tMme majoritaire du site. Il ne lui est pas
particulier puisque connu sur d'autres stations quelle que soit la technique utili. pour le replisenter. Le graphisme employé par les lapicides de la Lich!re va simplement à l'essentiel. La
double idole est riduite à sa plus simple expression. Ce qui différencie ce site rupestre des abris
peints et des stations où l'idole est sculptée est évidemment la surface investie et le nombre des
supports potentiels. Les parois d' un abri sont plus limit&:s et la fréquentation du site induit des
superpositions de signes sur un long tenne. La sculpture nécessite un investissement de travail et
de temps qui entraîne ses auteurs à ne pas la reproduire périodiquement. Les pentes de la Lichère
se sont donc peu à peu cou venes de ces gravures, certains rochers exprimant Je th!me central,
-176-
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ILS GRAVURES RUPESTRES DU SIGNAL DE LA UCfŒRE
ln
d'aurres n'en riit&ant qu' une partie ou se bornant à ne signaler que le passage sur le site. La
figure v~ritablement absente de ce sanctuaire reste le personnage masculin. Singuli~rement,
celui-ci orne les rochers de l'autre versant de la valJ6: du Gardon d ' AI~. En revanche, le signe
en arceau y est absent. On retroUve là la même partition que celle que nous avons mise en ~vi·
dence pour les deux zones de rochers grav6s du site de Creysseilles (A.rd«he). Faut-il croire qu'il
existe une sp&:ialisation th~matique des sites? ou une compl~mentarit~ des stations omûs ?
C'est sans doute en s'attachant A relier espace et iconographie que J'on powra rfpondre Ade telles
questions et concevoir l'un des modes d'organisation du territoire par les N~lithiques.
omLlOGRAPHIE
ABELANET, J. (l976)
"Vall« des Merveilles" Uvm-guid~ d~ l'excursion Cl du IXe Congrès
International de l'Union Internationale des Sciences Prihistoriqu~s rt Protohistoriques, Nice.
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de l'industrie lithiquc". Bulletin d~ la Socil tl Prlhis forique Française, 1.93, fase. I, pp.84-96
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GUIRAUD. R. (1961) : "Des plaques de schiste armnag~ au N~lithique'·. Rivista di ScienlJ! Prristorisc~,
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19
HAMEAU, PlI. (I99S) : " Art scMmatique Les variantes de la figure de 1"'idole'M'. Arrhlofogie en
Longued« , 0-19, pp. J03- 112
SAU..ES. J. (1971) : "Les gravures rupestres œvenoles de l' arrière-pays altsien" . 8ull~tin de la Socilt!
d 'Etude des Sciences NatulYlles de Nfmes, U . pp.34I-366
NOTE
Le travail sur le site a ~t~ effectu~ avec 'A.Acovitsioti-Hameau, M.Ch.Vaillant, St.Wallet.
C.Chopin et C.Leca. La munic ipaJit~ de Branoux·les-Taillades a assu~ notre h~bergement.
-
177 -
[page-n-178]
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AROtIVO DE PREHIS'TORIA LEVANTlNA
~. XXIII (VaImcia. 1999)
PHILIPPE HAMEAU· ET DANIEL
VAI~··
LES GRAVURES RUPESTRES DU SIGNAL DE LA L1CHtRE
(Branoux-les-1àlUades, Gard)
Rfluml : Les pentes nord et est de la monlagne de la Lichè'e ponenl des rochers Jf'I.vés de lipes CD an:eau el
de cupules. Au-dell des possibililb du Iemin. c' est la lMmalique qui a dftennirM! le Cboill des rocheR. On constate
une proaressioa en nomM de rochers el CD nomM de lipcs ~1emenlll'altilude, des concenttltioos de rochers
en milieu de penle el une convergence des supports orn& vetS le sommee de la montagne.
Jtnumea: 1..05 ribazos DOrIe Y este de la montaAa de la ~ uientl/\ un conjunto de roquedos arabados con
sigDOS en arco y con cllpulas. Mu allll de las posibilidades dei terreno, es 1. te:mitica la que ha detenninado la eJec.
ci6n de nlos roquodos. Patalelamente. la altitud bay conswada una progresMSn en nl1mero de roqucdos y en mlmero
de lignas, COI'ICentnciones de roquedos a medio ribazo y Uni ronveraeocil de soportes deoondos bacia la cumM de
1. montafta.
1. PRESENTATION
1. LE SITE
Les rochers gravc!s dont il est question ici sont essenlÎeIJement locaJj~s sur la commune de
Branoux-les-Taillades (Gard), dans les Cc!vennes (fig . 1). Ils occupent les nombreux rebords de
crele qui convergenl vers le sommel de la montagne dit Signal de la Lic~re (899 malt.) el donUnenlla vallœ du Gardon d'AI~s (fig. 2). Le substral y est schisteux et soumis à une c!rosion diffc!renlieUe selon les zones el meme les dalles. Aux rebords de cretes dc!nudc!s ou ombragts de
rares pins et genc!vriers succèdent des pentes parfois abruptes et des combes fraîches 00 la vc!g~
tation arboIÛ et arbustive est parfois très dense .
• CA.V. el E.R.A. 36 du C.U . du C.N.RS. · 14. lvmue Fn!dbic MiImI81lJ6 Fon:alqudrec (fnDr:e) •
•• A..s.E.R. du Cmue-Var · Le LoaWon 07000 SainI·}ulieft...m.$aiJu·Albu (Franee).
-151-
[page-n-158]
,,.
PHIUPPE HAMEAU et DANIEL VAIl.J..ANT
o
50
km
•
N'MES
MON PELLIER
•
Nous avons ~nomb~ une dizaine de stations gravœs autour du point culminant. placfes ft
des altitudes diverses, entre S50 m et 850 m. Certaines ne compte qu' un ou deux rochers grav~s.
O'autres sont de v~ritables concentrations de plusieurs dizaines de ces rochers orots. Au sein des
groupements les plus importants. ont tté érigés des dolmens ou des coffres (fig. 3), tous vi~ de
longue date. et un petit menhir.
Les gravures de la zone appel6e Comber~ge (en ~alité le Dev~) ont été signalées par
P.Bellin ~s 1963. J.Salles a publié le ~sultal de ses prospections dans l'ani~re-pays alésien et ft
Branoux-les-Taillades plus particuli~rement en 1971. Pourtant, en dépit de leur nombre. les
rochers gravts du Signal de la Lichùe ne sont que rarement cilts dans les études de l'art postglaciaire. Cela tient sans doute à la sobriété du corpus exprimé puisque signes en arceau et
cupules re~sentent la quasi totalité des figures gravées, Pounanl. ceux-ci s'associent entre eux
et s'imbriquent selon une multitude de combinaisons qui se prêtent à l'analyse. Il nous semble
utile de prisenter ici nos observations et nos ~f1exions relatives l ce corpus iconographique
~uit.ll s'agit moins de reprendre nos hypotMses sur la charge ~mantique des figures pour lesquelles nous renvoyons lia bibliographie que d'exprimer la ~partition raisonn& des figures sur
un site grav~.
-IS8-
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LES GRAVURES RUPESTRES DU SIGNAL DE LA UCHru
- 159-
".
[page-n-160]
160
PHILIPPE HAM EAU el DANIEL VAILLANT
t'lg. 3.- Relevé du pelll dolmen n' 3 de 1. zone du Devès.
2. INVENTAIRE DES ROCHERS GRAVÉS
Nous les présentons sous la forme de quatre tableaux.
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LES GRAVURES RUPESTRES DU SIGNAL DE LA U CHDE
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D. ORGANISATION DU SITE
1. RtPARTITION DES ROCHERS
La densiti! des rochers gravbi est ~s dilfhente selon les zones considi!ri!es. Les groupes vraiment co~uents sont. par ordre d'importance, le Dev~s, les Avessets et les Taillades. Us totalisent à eux trois III rochers gravi!s, soit 84% de ceux que nous avons recensés dans cette ~tude.
La zone du Dev~s compte 58 rochers gravbi, soit 44% de l'ensemble (fig. 4). C'est aussi la
seule zone qui montre une diff~rence interne de densiti! de ses rochers. Dans la partie supi!rieure,
au-dessus de l'isohypse 630, on observe une concentration de rochers gravi!s qui sont dans le
mlme temps les rochers qui portent le plus grand nombre de gravures. Ces rochers sont en bordure de crete et il s'agit de grandes dalles dénud6es. Le groupe mi!dian des rochers du Dev~s
correspond grosso modo à la zone comprise entre le coffre n° 2 et le dolmen n° 3, soit une distance de ISO m environ et un di!nivelf de 30 m. 1I est constitui! d'une trentaine de rochers grav~s,
soit la moitif des rochers de la zone. Ceux-ci sont dissi!mini!s et certains tœs en retrait du rebord
de crlte, à la limite de la zone sous couvert forestier. Le groupe inffrieur est constituf de Il
rochers align~s sur le rebord de crête mais i!talfs sur une distance de plusieurs centaines de
rœtres. Les quatre rochers les plus bas sont presque masqubi par la chJitaigneraie.
Les rochers des Avessets scandent plus rtguli~rement le rebord de crlte qui domine le versant méridional du ravin de Combef~ge. Le rocher le plus bas est à 480 m d'altitude tandis que
le rocher le plus haut est à près de 700 m d'altitude mais tous conespondent à des dalles et surtout" des blocs en saillie au-dessus d'une pente très raide. La densiti! des figures est certes plus
importante sur les rochers les plus ~Ievés mais la disparité est tout de nteme moins nette que pour
les rochers du Dev~ .
La zone des Taillades s'i!tend de l' isohypse des 550 mjusqu'au replat qui porte les deux dolmens et le menhir à l'altitude de 730 m environ. Ce n'est pas à proprement parler un rebord de
crlte mais plutôt une croupe rocheuse, pentue, de laquelle ~mergent des rochers. Les supports
orni!s sont dissi!min~s sur cette pente sans que l'on observe des groupements plus importants. Les
rochers les plus omi!s sont toutefois en milieu de pente. En contrebas des Taillades, un vaste
replat de terrain. à 500 m d'altitude, porte le dolmen des Caussiers et quelques rochers omi!s.
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164
PHlUPPE HAMEAU et DANlEL VA1U..ANT
Ces trois groupes sont donc situés entre 550 m et 730 m d'altitude, pratiquement à mi-pente,
entre le talweg du Gardon d'Alès (300 m environ) et le sommet du Signal de la Lichère (899 ml.
En distance, ils se trouvent beaucoup plus près du point culminant que de la rivière, approximativement sur le tiers su~rieur du versant. En dessous d'eux, les rochers ornés sont rares et les
gravures peu abondantes sur leur support. Près du sommet. trois départS de rebord de crête portent des rochers gravés. Ceux-ci sonl épars, peu nombreux et les figures ne sont pas abondantes.
Le sommet lui-même, très arrondi, ne porte aucun rocher gravé.
On constate donc un agencement particulier des groupes de rochers gravés, en zone élevœ
sans toutefois vraiment occuper le sommet, avec une prédilection pour les zones en rupture de
pente où la gravure domine un large panorama. Curieusement. le regard porte vers le nord et l'est,
vers la vallée du Gardon, alors que la plupan des sites ornés du sud de la France. rupestres et
pariétaux, affectionnent des orientations entre sud-ouest el sud-est. fi existe aussi quelques
rochers gravés en bas de penle méridionale, près du talweg du GaJeizon, mais il ne s'agit absolument pas de concentrations alignées sur des rebords de crête dirigés vers le Signal de la Lichère.
L'orientation des rochers de la Lichêre est donc singulière. Les causes en sont peut-être géologiques (affleurements schisteux, rebords de crête) mais il n'est pas impossible que d'autres paramètres, moins évidents, de nature symbolique, interviennent sans que nous puissions les interprêter
en l'état actuel de la Recherche.
Les trois concentrations importantes décrites prtcédemment comprennent des rochers ornés
mais aussi des structures sépulcrales et pour celle des Taillades un petit menhir. Cela semble aussi
leur conférer une place particulière dans l'agencement général du sanctuaire. La coexistence de
structures sépulcrales et de supports ornés est un fait récurrent (grottes sépulcrales et peintes,
tables de dolmens cupulées, stèles représentant l' idole à l'entrée de cavités sépulcrales ou servant
de piliers à des dolmens, etc). Dans le Languedoc, il n'est pas rare que cette coexistence de dolmens et de gravures soit celle observée ici :
2. RtPARTITION DES FIGURES
La répartition des signes connait les mêmes différences spatiales. En ~gle générale, dans
chacun des trois grands groupes considérts, on a vu que l'eltubérance de la décoration s'accroît
avec J'altitude. Les zones gravées plus haut ou plus bas ne comptent qu'un faible nombre de supports et une décoration souvent minimaliste. Beaucoup de rochers sonl monocupulés autour du
sommet de la Lichère. Les cupules sont un peu plus nombreuses en bas de pente mais le signe en
arceau y est résolument absent.
Dans les trois zones principales. les cupules sont présentes sur la presque totalité des rochers.
Le fail n'est pas singulier puisque ce signe représente généralement 80% du corpus représenté
sur les sites ornés, calcul réalisé pour l'ensemble des sites gravés du sud de la France. Lorsqu' on
considère les abris à peintures de la même région. le point. version picturale de la cupule, gravée,
est présent dans les mêmes proportions.
La cupule peut être la seule figure de son support même si elle est reproduite en plusieurs
eltemplaires. Elle peut aussi accompagner le signe en arceau. Dans le premier cas, ce sont surtout
les rochers les plus bas ou bien les rochers périphériques aUlt concentrations internes qui portent
les cupules. Ainsi, pour la zone du Devès, les cupules seules affectent surtout les rochers placés
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lES GRAVURES RUPESTRES DU SIGNAL DE LA UCHUE
'65
jnf~rieures
ou bien les rochers nettement en retrait du rebord de crete. Par voie de
les signes en arceau sont gravés sur les rochers les plus hauts en altitude ou bien
sur ceux qui occupent la rupture de pente et ses abords. A cette partition spatiale de l'iconographie s' ajoute la place lai~ aux bassins et aux cupules reliœs par des drains, tous grav~s sur
des rochers fonnant saillie au-dessus de l'abrupt nord.
La ~partition des figures est encore plus stricte dans la zone des Avessets où les rochers
s itu~s aux deux extdmit~s du rebord de crête ne sont ornés que de cupules ou d'~hancrures. Les
trois rochers portant des signes en arceau sont situ~s dans la moiti~ supérieure du groupe, au
niveau de l'isohypse 650. Dans la zone des Taillades, les cupules occupent pratiquement tous les
rochers. Quelques supports sont grav~s d'arceaux, l'un sur le replat qui porte les deux dolmens
et les autres sur des rochers s itu~s A mi-pente, ceux-là juslement où la d~oration est plus exubtrante. Toujours A mi-peRIe. quelques rochers fonnant saillie portent des cupules reli~es par des
drains.
aux altitudes
con~uence,
3. AGENCEMENT GtNtRAL
Ces premi~res observations nous font supposer un agencement ~fl~hi des rochers gravés
sur les pentes de la Lic~re (fig. 5). U existe manifestement une convergence des gravures vers
Je sommet, aidœ en cela par la configuration du terrain. Il y a aussi un choix des supports puisque
tous n' ont pas ~t~ grav~s. Les rebords de crête du Dev~ et des Avessets se pr!tent remarquablement A J'ornementation ce qui vaut à ces zones d'être les plus omœs. Les grandes dalles de la
partie supérieure du Dev~ ont ~ naturellement attm la majorit~ des figures (fig . 6). Aux
Taillades, l' exu~rance de la d&:oration a touché la zone rocheuse la plus remarquable, là 00 les
supports dominent v~ritablement une pente qui n'est pas un rebord de crête. Les dolmens et coffres ont ~t~ ~rigés dans les memes zones riches en gravures, lA 00 des replats permettent l'installation des structures. C'est pourquoi, un dolmen existe aux Caussiers, zone plane, et non dans la
partie basse des Taillades, zone pentue.
L'iconographie se superpose A cette organisation spatiale. Les cupules isolœs ou group6:s
mais non accompagnœs d'autres figures occupent les marges des grandes concentrations de
rochers ou bien concernent les rochers situés plus bas sur la pente ou plus hauts, prts du sommet.
Les supports grav~s du Plan de Layre, du Plan de Jonquet, de RancarMe et mame des Caussiers
semblent annoncer les rochers les plus bas des zones du Dev~s, des Avessets et des Taillades. Les
supports grav~s de la Lic~re semblent ~~ter les rochers les plus haut des trois zones p~-citks .
A l'int~rieur de chacune des grandes zones, les rochers grav~s d'arceaux sont en effet encadœs
de rochers cupulés. Au Dev~s, où les rochers grav~s sont particuli~rement nombreux, on observe
plusieurs sous-groupes où se reproduit la rtteme partition : des rochers à cupules en péripMrie des
rochers Aarceaux (fig. 7). Seuls les supports gravés de bassins ou de cupules reUœs par des drains
sont strictement ~pendants des possibilitts du substrat puisque ~itant un emplacement en
surplomb.
Cette ~partition dans l'espace. des supports et de l'iconographie, est d'aulant plus remarquable que le nombre des gravures induit une longue d~ d'utilisation du site. U y a donc eu
rEutilisation de rochers ~jA gravés, investissement de nouveaux supports, reproduction des
figures et nteme des ~mes sans v~ritable bouleversement de la structure g~n&ale du sanctuaire.
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PHILIPPE HAMEAU et DANIEL VAIlLANT
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fla.. 5.... RfputltioD de l' kooopapbit ...Iour da SIpal de la L.kbb-e.
A : dominance des rocheR om& de cupules sans arceaux.
B : dominaDce des roc:hen om& de signes en arœau.
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LES GRAVURES RUPESTRES DU SIGNAL DE LA UoŒRE
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PHIUPPE HAMEAU et DANIEL VAlllANT
L'expression symbolique centrale est le signe en arceau, accompagn~ ou non d'une cupule. La
cupule non associ~e li d'autres signes se trouve en marge de cette iconographie principale. Ce
système concentrique est valable pour l' ensemble du sanctuaire. pour chacune des trois grandes
zones à gravures et même pour chacun des sous-groupes à l'inl~rieur de la zone du Devès. Seuls
les bassins et les cupules avec leurs drains ne répondent pas à cette logique spatiale puisque tri·
butaires des particularit~s du substrat Toutefois. ils n'existent. exception faîte du rocher du Plan
de Layre, que dans les trois grandes zones à gravures.
m. LE CORPUS ICONOGRAPIDQUE
1. LES CUPULES
Ce sont les figures les plus nombreuses. Le site compte 317 cupules au total. soit 54'*' des
figurations grav&s. Ce sont des signes simples et d ' une ex~ution rapide qui accompagnent souvent les autres figures mais peuvent aussi être isol& ou en groupes mais sans figure d'accompagnement. Ici, les cupules sont parfois associhs aux signes en arceau en des agencements
vari~s : cupule unique au centre de l'arceau ou dans l'axe d ' une des branches de l'arceau, cupule
à chaque extdmi~ des branches d ' un arceau ... En ~gle g~n~raIe. il n'y a pas à la Lichère ou sur
d'autres si tes m~ridionaux profusion de cupules autour d'un arceau. Par contre, on observe cette
duplication de cupules, parfois à l'excès. dans le cas d'association de ce signe avec le personnage
masculin (rochers de Creysseilles en Ardèche). Ce fait est ~galemenl observable sur beaucoup de
sites peints o~ l'on voit un personnage masculin entoure d'un "nuage" de ponctuations: abri
Perret n° 1 (Blauvac, Vaucluse), abri Gilles (Saint-Marcel d' Ardœhe, Ardèche). Il semble ~vi
dent qu' à chaque fois se juxtaposent plusieurs moments d'ex6cution .
la technique de réalisation des signes en arceau consiste l juxtaposer des cupules. On
obtient ainsi une ~rie de creux qu'on ~galise ensuite par un mouvement de va-et-vient. Quelques
exemples sont restts en cours d'~laboration , volontairement ou non, comme sur les rochers n 31
ou n° 48 du Dev~ . Ailleurs, les cupules sont dtsonnais invisibles bien qu'elles aient exisl~ en un
premier temps. On peut se demander si elles n·~taient pas présentes de fait dans l' esprit de leurs
auteurs. En effet, l'idole et le signe cupult fusionnent parfois selon le principe de contraction bien
D
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lES GRAVURES RUPESTRES DU SIGNAL DE LA L1oŒR..E
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connu dans l'art sc h~matique . l 'abri peint de Fontjouval (Saint Saturnin les Apt, Vaucluse) abrite
aussi une idole dont le contour est punctiforme. Des sites itM!riques Iiit~rent le m!me principe.
En revanche, le personnage masculin n'est pas 8SSOCi6 au point ou à la cupule dans les mernes
termes. Nous supposons que cette diff6rence stylistique implique peut-!tre une diff6rence ~man
tique entre le personnage masculin et l'idole.
Sur les zones du Dev~, des Avessets ou des Taillades, les cupules participent nettement d'un
c6limoniel, d~jà signal6 par d'autres chercheurs en d'autres zones (J.Abelanet 1986, 1990,
Y.Slaize 1992195), mais que la nticrotopographie met en eltergue ici. Il s'agit du lien qui existe
entre les cupules et les drains (ou rigoles) (fig. 8). La complémentarité de ces deult signes s'adresse à des rochers srictement en rebord de crête ou rehaussés naturellement par rapport à la
pente. Certains de ces rochers se prtsentent comme de v6ritables autels, des tables de pierre en
relief par rapport au sol environnant, avec une face sup6rieure 16g~rement oblique. Au sein d' un
Iiseau parfois dense de petits drains, les cupules sont disposé:es sans organisation apparente: au
carrefour de deux drains, en un point particulier du drain, en dehors de celui-ci... On a parl6 d'un
jeu de l'eau (pluviale, lustrale) utilisant des drains aménag6s par l'homme et orient6s dans le sens
de la pente. Quelques exp6rimentations sur le site ont permis de v6rifier une nouvelle fois cette
hypothèse. Il apparaît aussi que les cupules hors rigoles sont creusœs en des points qui reçoivent
le trop plein d'eau. Leur emplacement ne serait donc pas le fruit du hasard, encore faudrait-il
Iiptter l'exptrience sur bien des sites pour donner à ce fait une valeur plus globale. Les bassins,
souvent pourvus d'un d6versoir naturel ou réali~ par l' homme et strictement locali~s en rebord
de crete, semblent apparent& aux rochers avec cupules et drains.
Reste à comprendre la signification de ces multiples "autels" : ntcessit6 d'en red6finir un à
cbaque passage sur le sanctuaire, appartenance de chacun d'eux à des individus ou groupes d'individus différents, etc ? A la Lich~re, ces rochers sont gravés hors des structures sé:pulcrales. Sur
d'autres sites, la table des dolmens est gravée de cupules et de drains parfois associés à des croÎx
et semble donc jouer le marne rôle. Nous ne connaissons pas d'exemples ail. cupules et drains
cohabiteraient avec le signe en arceau. Peut-être est-ce là une preuve supplémentaire d'une différence ~mantique entre le personnage masculin (la croix) et l' idole (l'arceau)?
1. LES SIGNES EN ARCEAU (FIG. 9)
La zone du Dev~s compte une densité singuli~re de signes en arceau mais si l'on doit
compter avec l'ensemble des figurations du site, leur proportion choit considtrablement: 32.5%
de signes en arceau. On observe trois formes principales :
-des arceaux à branches parall~les et sommet arrondi, les plus nombreux,
-des arceaux à branches parall~les et sommet aplati,
-des arceaux à branches écartées et sommet aplati.
Les deux premi~res fonnes sont ubiquistes et cohabitent souvent sur un m.!me support. La
troisi~me forme n'est observable que sur le rocher n° 16 du Oev~, un rocher un peu en retrait du
rebord de cr@te. Acette morphologie différente, s'ajoute le rapport largeur-hauteur comme suit :
-I
-bh : 35% des cas et correspond majoritairement à la forme 3.
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PHIUPPE HAMEAU et DANIEL VAJu.ANT
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LES GRAVURES RUPESTRES DU SIGNAL DE LA L1CH~RE
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PHIUPPE HAMEAU el DANIEL VAllLAJIn'
Les dimensions des signes en arceau sont ~s diverses puisque le plus petit d' entre eux
mesure 35 mm 1 x 35 mm h et Je plus grand 190 mm J x t 80 mm h. La largeur moyenne est de
92 mm et la largeur moyenne de 94 mm. En ~gJe g~~rale.l'arceau est plutôt trapu avec une Jar·
geur qui n'est pas tœs diff~rente de la hauteur. Meme si ces arceaux ont ~te graves à des des
moments et des endroits differents. les proportions largeurlhauteur se sont pe~tu&;s. Enfin. il
existe un sens de lecture du signe en arceau qui peul !tre droit, couc~ ou inve~.
Les rochers 00 abondent les signes en arceau nous pennettent en outre plusieurs observations
sur les ~gles qui rigissent leur association avec un autre signe (fig. 10). L' arceau peut être juxta~ à un autre arceau, !trt associe à une cupule voire les deux cas simultanément. Or. par principe de contraction. ces associations peuvent prendre des formes inusit6es. Deux arceaux juxtapo~s peuvent avoir une branche commune jusqu'à, n'! tre plus qu'un signe en accolade allongfe
nMti d'un trait m61ian. Deux arceaux juxtaposts peuvent ~galement!1re rep~sent6i selon deux
sens ditT~rents si bien qu'il en ~sulte une figure rectangulaire allongœ verticalement. Dans ces
exemples d' un double arceau, le rajout d'une cupule obéit à une ~gle stricte : un arceau est
cupul~, souvent celui de droite, et l'autre ne l' est pas. Enfin, le doublement peut s'exercer sur
deux arceaux de tailles diff4!rentes.
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fi&, 10.- Le tJWaw de III double idok.
Relcvt de plusicun cu du doublemcat de ruœau lla 7.Ol'lC du Devb.
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LES GRAVURES RUPESTRES DU SIGNAL DE L4. UCHru
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Ces divers exemples d'inversion, de duplication et d' association dans lesquels figure le signe
en arceau sont connus sur d'autres sites, rupestres ou pari6taux. Le p~nt site offre l'avantage
de multiplier ces !Mmes sur des supports ~ voisins et de nous permettre de concevoir la fiLia·
tion d'une forme à une autre. Sans l'observation du caract~re syst6matique du double arceau, il
nous serait difficile d'identifier le signe en accolade à trait m&tian, par exemple.
3. LES AtrrRES SIGNES
Les rochers de la Lichère portent çà et là d'autres figures , d6pendantes du corpus scMma·
lique mais très faiblement représent6es ici (fig. II). Le rocher nO13 du Oev~s porte deux grilles
accol6es ou plutôt deux marelles puisque chacune de ces figures comprend des diagonales. Il
semble qu'une cupule en marque le centre. Le meme doublement de la grille a 6t6 signalé par
J.Salles (1971) à )'Aubaret· Vieil (Saint-Julien des PoinlS, Gard). Sous le Signal de la Licb~re en
direction du Devès, un rocher porte un signe pédiforme de 250 mm de long dont le talon est
occup6 par une cupule. La fonne est nette malg~ le délitage du rocher. Il s'agit d'un pied droit,
unique, ce qui existe en d'autres sites rupestres. Toutefois, les pieds sont généralement gravés par
paires et celles- La zone des AvesselS compte de nombreuses «hancrures de l'scele du support. Certaines
d'entre elles semblent une cupule réalis6e trop près du bord, lequel se serait bri~ involontaire·
ment lors de sa confection. Le fait est ~ité~ quatre fois et ne peut etee fortuit. Il y a peut-ltre eu
volonté ~Ii~rte d 'enlever de la matÎbe. Ainsi. l'mie du rocher n· 26 est "grignot6e" par une
~rie de petites encoches sur 7tJJ mm de longueur. Sur le rocher n· 13, l'échancrure se mue en
une entaille Ie!g~rement curviligne de 370 mm de long. Sur d'autres rochers des AvesselS, l't.
chancrure n'est pas totale si bien que la fonne obtenue est celle d'un talon, comme si la cupule
avait avorte!.
U faut signaler, bien qu'il s'agisse peut.être de cupules d ' une morphologie partjculi~re, les
petites d6pressions de plan ovale, losangique ou carrée. Au nombre de ces demi~res , il y a peut·
être de simples ne!gatifs d'aménagemenlS de structures, notamment pour les empreintes cubiques
de Rancarède, p~s du hameau du Castanet. Aux Caussiers, le rocher n° 23 est grav6 de deux
petites cupules reliées qui fonnent une figure dite "en ba1t~re", connue sur d'autres sites rupes·
tees. L' un des rochers les plus bas de la z.one du Dev~s porte aussi une double cupule mais le creu·
sement de celle- schisteuse. Celle- bobine. Ya t'il filiation entee cette curieuse forme et l' idole dite "en bobine" (volume) ou "en
sabUer" (plan) ? Nous ne saurions le dire d'autant que cette forme de l'idole est inusit6e en France
et n'apparaît en Espagne qu' au sud du cours du Tage. J.Salles (1971) signale d'autres cupules
biforks sur les rochers des Coodoulous (Saint And&JI de Clerguemort, Gard).
Enfin, nous avons relevé quelques rares traits courts. U ne sont jamais assez. probanlS pour
que nous puissions les identifier comme des signes anthropomorphes masculins.
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17.
PHlUPPE HAMEAU ct DANIEL VAILLANT
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1. cade ponctœ. 2. 6dwx:rure., 3 et 6. marelles. 4. sianes en an:uu ouvert,
S. liane pMironne. 7 ct 8. an:aw: cupulb, 9. sip "en baltà'e".
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ŒS GRAVURES RUPESTRES DU SIGNAL DE LA LlCHÈtE
'"
4. DATATION
Le corpus iconographique décrit pœœdemment est celui qui est habituellement da~ des IVe
et lUe milltnaires avJ .C .. Le signe en arceau est un excellent marqueur chronologique. fi s'agit de
l'idole. sehtmatis«, sous la version qui ne garde de cette figure que sa fonne gtntrale. celle d'une
borne (volume) ou bien d' un arceau ou fer.il.. cheval (plan). Les st~les. daUes anthropomorphes et
autres statues-menhirs du sud de la France, et même de la ptninsule ibtrique. sont ordinairement
dattes du Ntolithique final, soit une longue durœ de temps comprise entre 3500 et 2200 avJ.C.
(D' ANNA et aHi 1995). Il semble en revanche qu'elles survivent ~ rarement au passage du ne
milltnaire av.J.c. L'ensemble des rochers de la Lichère est trts certainement datable de la p!riode
indiqute ci-dessus. Peut-atre l'accumulation des rochers cupults en marge de ceux priviltgiant le
signe en arceau indique-t'elle une perpétuation de la fréquentation des lieux. Dans tous les cas,
nous pensons qu'il ne faut pas confondre la ou les ptriodes d'exfcution des figures (série de
moments brefs mais peut-être ttruts dans le temps) et la ptriode de comp~hension de cet art. sans
doute plus longue que la premi~re. Etait-il obligatoire de graver la pierre .il.. chaque passage sur le
site? Nous ne pouvons le pœlendre mais l'bypothèse nous semble viable.
Sur le site, nous n'avons pu réaliser aucun sondage et n'avons en conséquence d6couvert
aucun objet mobilier. J.Salles (J971) signa1e le ramassage sur le sile du Devès de "disques en
micaschiste, ~s plats, minces, de fonnes .il.. peu p~s œguli~res aux bords grossi~rement taiUts et
mesurant en moyenne 20 cm de dimœtre". n rajoute qu '''une plaque micaschlsteuse un peu plus
grande, ovale, pr&ente en son centre une perforation biconique." Des plaques de schiste atmnagtes existent sur d'autres sites Ofll&. R.Guiraud en signale notamment pour les grottes peintes
du Poteau et Labeil .il.. Saint-Pons de Thommi~res (Htrault) (GUIRAUD 1961). U pense qu'il
s'agit là de plats .il.. pains. Divers usages ont t~ atbibu& à de tels disques de pierre ou de terre
cuite mais leur possible dimension tso~rique n'a jamais t~ soupçonnte. Ce sont de toute façon
des objets trop simples pour qu'on ne leur assigne qu'une utilisation unique et pour qu' ils n'aient
t~ pœsents qu'à une seule ~poque.
Les sépultures proches des rochers gravts, vid~s de leur mobilier depuis des dtcennies, ne
nous appportent aucun t~moignage chronologique ou culturel suppl~mentaire. La dwU de leur
utilisation s'est ttal~ sur plusieurs si~les. Les nettoyages et reprises des memes structures tels
qu'on a pu parfois le mettre en tvidence prouvent que le mat~riel recueilli n'est pas toujours ~v~·
lateur de la totalitt de leur usage.
Enfin, nous avons relev6 sur le rocher n° 5 de la Lich~re, en direction du Dev~s, 7 signes
soltiformes finement incisfs, certains presque masquts par les lichens. 11 s'agit de gravures seM·
matiques Iinbires ordinairement attribu~s à la ptriode historique sans autre ~ision . Les
limites chronologiques que nous leur connaissions sont le De si~le avJ.c. pour les plus
anciennes (ABELANET 1916, 1986, 1990,ACOVITSIOTI-HAMEAU" HAMEAU 1990) et le
dtbut de notre XXe si~le pour les plus rtcentes (HAMEAU 1994). Ce qui importe ici, c'est la
reprise du sanctuaire pœhistorique par une expression schtmatique r6cente. A ce jour, nous ne
comptabilisons pas moins de 17 reprises de sites prthistoriques grav& ou peints par l'art lintaire dans le sud de la France. Cet art lintaire existe aussi dans la ftninsule i~rique, ce qu'on
appelle "aJte dei Cielo de Solacueva-Galerfa dei SOex", et est connu dans tout l'arc alpin (Val
Camoruca, Maddoine grecque, etc ... ). Ici ou là, il relaie parfois des iconographies nettement
plus anciennes.
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".
PHIUPPE HAMEAU et DANIEL VAIlLANT
IV. LA THÉMATIQUE GENERALE DU SANCTUAIRE
Les figures
caract~risliques
du sile. par leur nombre et par la volontt de les associer. sont
donc les cupules et les signes en arceau. Les cupules sont l'eJl:pression simplifiée du signe solaire;
ce sont des signes sol~ifonnes. Nous leur supposons une valeur eschatologique el de renaissance
tout à la fois. liminaire en tout cas, en constatantl'imponance du symbole solaire au niveau de
la mort physique et symbolique (orientation des ~difices ~pulcraux et des sites omts oi) nous
supposons des rites de passage (CHOPIN et HAMEAU 1996). Les arceaux sont, nous l'avons
dit, l'une des versions simplifiée de l'idole. La juxtaposition de l'idole el du signe sol~iJonne est
l'un des cas d'association de deux figures schématiques les plus f~uents. Seule change en fail
la version graphique qui exprime chaque signe: idole ~aliste et cupule ou point, arceau et soleil,
ou comme à la Lic ~re arceau et cupule. De plus. ce cas d'association existe en gravure, en pein·
ture comme en sculpture. Il est d 'autant plus important de souligner ce fait que nombre de chercheurs français dissocientl'aJt exprimé par les st~les, de l'art gravé et peint, n'acceptant pas que
des mécanismes de schématisation ou d'association ligissent le premier comme ils le font pour
les deux autres (HAMEAU 1996). Or,les st~les cupul&:s qui expriment l'association idole-signe
soléifonne sont ubiquistes : st~les venaissines, st~le d'Euzet-Ies-Bains (Gard), st!le du Mas
Capelier (Aveyron), st!le de Redonde! (Hérault), st~le de la Souli!re (Tarn). st~le de Tabuyo dei
Monte (Leon) ou st!les de Sejos (Cantabria). etc ...
Plus intéressantes encore sont les associations de deux idoles et les versions graphiques que
subit ce th!me par ailleurs friquent et dit de "la double idole" (HAMEAU 1996). L'idole est
gémin&: en gravure, en peinture comme en sculpture et peut l'être sous différentes versions graphiques : deux st!les réalistes dans un même site (Cazarils ou Bouisset, Hérault), aven Meunier,
Gard), deux T faciaux sur une même paroi (grotte Resplandy, Hérault ou Reboso dei ChoriUo.
Almaden), deux arceaux gravés ou peints (rochers de Creysseilles, Ardkhe, Baume Peinte,
Vaucluse ou grotte Alain, Var). etc ... Des cas de contractions existent telle la stèle de l'Isle-surSorgues (Vaucluse) dont chaque face est gravée d'un visage.
A la Lic~re, nous avons également signalé des exemples de contractions : signe en accolade
à trait médian et signe rectangulaire. Nous avons aussi constaté dans le premier cas que la duplication de l'idole était asymétrique puisqu'un seul des deux arceaux était nanti d'un signe soléi(orme. Cette asymétrie existe sur d'autres sites : doubles arceaux peints ou gravés dont un seul
est ponctué à Creysseilles (~he), Baume Peinte (Vaucluse) ou à la grotte Alain (Tourves),
st!le de l'isie-sur-Sorgues (Vaucluse) dont une seule face est cupul&:, etc ... Elle peut revêtir
d'autres fonnes : st!les de l'aven Meunier (Ardèche) dont une seule est pourvue d'une crosse, T
faciaux du Reboso dei ChoriUo (Almaden) dont un est pourvu de quatre yeux, etc ...
L'idole el notamment la double idole est donc le tMme majoritaire du site. Il ne lui est pas
particulier puisque connu sur d'autres stations quelle que soit la technique utili. pour le replisenter. Le graphisme employé par les lapicides de la Lich!re va simplement à l'essentiel. La
double idole est riduite à sa plus simple expression. Ce qui différencie ce site rupestre des abris
peints et des stations où l'idole est sculptée est évidemment la surface investie et le nombre des
supports potentiels. Les parois d' un abri sont plus limit&:s et la fréquentation du site induit des
superpositions de signes sur un long tenne. La sculpture nécessite un investissement de travail et
de temps qui entraîne ses auteurs à ne pas la reproduire périodiquement. Les pentes de la Lichère
se sont donc peu à peu cou venes de ces gravures, certains rochers exprimant Je th!me central,
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ILS GRAVURES RUPESTRES DU SIGNAL DE LA UCfŒRE
ln
d'aurres n'en riit&ant qu' une partie ou se bornant à ne signaler que le passage sur le site. La
figure v~ritablement absente de ce sanctuaire reste le personnage masculin. Singuli~rement,
celui-ci orne les rochers de l'autre versant de la valJ6: du Gardon d ' AI~. En revanche, le signe
en arceau y est absent. On retroUve là la même partition que celle que nous avons mise en ~vi·
dence pour les deux zones de rochers grav6s du site de Creysseilles (A.rd«he). Faut-il croire qu'il
existe une sp&:ialisation th~matique des sites? ou une compl~mentarit~ des stations omûs ?
C'est sans doute en s'attachant A relier espace et iconographie que J'on powra rfpondre Ade telles
questions et concevoir l'un des modes d'organisation du territoire par les N~lithiques.
omLlOGRAPHIE
ABELANET, J. (l976)
"Vall« des Merveilles" Uvm-guid~ d~ l'excursion Cl du IXe Congrès
International de l'Union Internationale des Sciences Prihistoriqu~s rt Protohistoriques, Nice.
ABEl..ANET, J. (1986) : Signes sans paroles. Cent si~cles d 'art rupestre en Europe occidentale Paris, 340p.
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ACOVITSIOTI·HAMEAU. 'A. et HAMEAU, PlI. (1990) : "'L' abri B des Eissamnes (Le Val, Var), occupation et
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GUIRAUD. R. (1961) : "Des plaques de schiste armnag~ au N~lithique'·. Rivista di ScienlJ! Prristorisc~,
XVI. fasc .1I4. pp.23 1-23S
HAMEAU. Ph. (l 989) : Les P~imulYs Postglaciaires ~n Provenc~ (invemairr, Itude chronologiqu~, stylistique et iconographiqu~). Documents d' Archwlogie Française, 22, Paris, l24p.
HAMEAU. PlI. { 1994} : Les gravures de la Bastide de Cambaret (Brignoles, Var) - Art RUfNstlY, 1.36, pp.7·
19
HAMEAU, PlI. (I99S) : " Art scMmatique Les variantes de la figure de 1"'idole'M'. Arrhlofogie en
Longued« , 0-19, pp. J03- 112
SAU..ES. J. (1971) : "Les gravures rupestres œvenoles de l' arrière-pays altsien" . 8ull~tin de la Socilt!
d 'Etude des Sciences NatulYlles de Nfmes, U . pp.34I-366
NOTE
Le travail sur le site a ~t~ effectu~ avec 'A.Acovitsioti-Hameau, M.Ch.Vaillant, St.Wallet.
C.Chopin et C.Leca. La munic ipaJit~ de Branoux·les-Taillades a assu~ notre h~bergement.
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