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,
RAYMOND LANTIER
( Francla)
La
« Pê.ch~ » $ous-marin~
aux antiquités
Oc nombreuses cl fréquentes découvertes, faites dans les caux
du littoral du golfe du Lion, auircnr de nouvea u l'attention sur
J'importance des rec herches archéologique5 sous-marines. Mais Il
ne ,'agit encore que d'une «pêche:. aux antiquités, conséquence de
la vogue croissa nte d'un sport, fort à la mode sur 13 Côte d'Azur
particulièrement, la p longée en scaphandre autonome. L'exploration reste déiiordonnée. auncunc coordin:ation ne sc rn:lOifeste enco re,
malgré les cfforts tentés par deux olubs, privés, le Centre de recher·
ches ct d'explor:1!ions sous-marines et le Club alpin de rccherc hCfi
sous-marines, opérant su r les côtes provençales.
Un vaste champ d' action s'cst ainsi ouvert à l' ac tivité des cher.
c heurs, mais ce n'es t toutefois pas unc nouvcauté dans l'arc hoélogic
c l l'on conn ait d'illustres précedcnt>s à ces pêches méditcrr:méen.
ncs (1). Il importe de meUre de l'ordre et une organisllIion métho·
dique s'imposc pour évi ter un pill age, sa ns a ucu n profit po ur 'a
science, 'des épaves coulées depuis rantiquité à proximité du litto·
raI. Le problème n'a pas échappé au Service des fouilles archéolo.
glQues et un projet de régla mcntat ion est à l'étudc,
Les possibilités apportées à l'explorati on d'un gisement sO us-marin p:lr futilisation du scaphandrc autonome sont loin d 'être négligcables, mais tant Quïl ne s'agi ra Que de récoltes d'objers isolés,
'le but nc sera pas attei nt, Autant que le fouilleur qui creuse le sol
(1) Les louUleG du navire antique, rempli d'oeuvres d'Mt.. COUlé en avant
ae Mahdia (TullÜ;lel .
_
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2
R. LANTIER
a
la recherch e des vestiges d'un passé aboli, l'explorateu r d'un gîte
sous-marin est comptable des archives Qu'un heureux hasard a mis
cnt re ses rn:lins. Mais de cette doc um e ntati on, une fou le d'é-lémcn ls
so nt appelés ;) dispar:lÎlre a tout jamai s du f;li t même des rccherehes. Aucun reto ur cn arrière n'cst possible. Aussi peut-on regrelter la fr éq ue nce de ces p longées, plus spo rtives que scientifi ques, au
cours desquelles des pièces, amphores o u ::mcres, auront été re mon·
fées sa ns Qu ' aucu n compte n'ait été tenu du milieu où clics o nt été
rencon trées. L'inve nteur devrai t avoir le so uci consta nt de noter
avec une rigoureuse ,précis ion lous les éMmc nts q ui constitue nt le
cadre de ses découvertes, cn l'espèce l'é pave du navire naufra gé ,
et ces navircs de c ha rge, ces «c:l rgos» du monde a ntiquc, il fa ut bic n
avoucr que nOliS e n ignorons e ncorc il pe u près tout (2). En l' absen·
ce do nolcs, de pho tograph'Îes, de croquis cotés, ce qui im po rtc ce
n' cst pas d 'a jo uter une amphore ou une :ancre aux coll ections publ iques ou privécs , mais d'apporte r les éléments à un certain nombre de qucstions: quclle cst la situ ation exacte du navire? ses dimensio ns? comment était·iI construit, pORlé ou non? comment
é tait·il actionné? comment était a rrimée la c:argaiso n?
Tout est il créer dans ce do maine de ,la recherche sous-marine:
éducatio n des fo uilleurs auss i bien que moycns techniques de .J'cxplora tion, Il ne p a raît pas, cn effet, que les procédés de relcvage,
qui ont donn é de bons résu ltats lo rs des opérations de sa uvetage de
navires li caque métallique mode rnes, puisse nt être adoptés pOur
les travaux d'archéologie sous· ma rine, L'intc rventi on de la cbennefJ ,
lors dcs fouillcs exécutées du 8 au 20 Fév rier 1950, p ar le navire
relevcur d ' ép:lvCfI it .. licn ArtigUo, su r la côte de la Ligurie, il un e
mille en mc r au la rge du port d' A lbenga (3). su r un poin t où , dès
1925, des pêc heu rs avaient rem onté dcs :!nlphores da ns leurs fil ets,
parai t bien loin (r avoi r donné les résu'ltalS cscomptés, U , par 45
mètres de fond, gisait l'épa ve. e nvasée, d 'un navire d'cnviron 35
mètres de lo ngucur su r une do uzaine de mètres de l:Jrgeur , DeVo
IR!
la d iffic ulté d'a r rac her les ,poteries, e ncastrés dans un m:lgma de
tesso n et d'a,lgues, on décida de faire appel au se rvice d ' un appareil
' !
spL"Ci:. l, sorte de mâcho ire d'acier, que l' on peut manoeuvrer du ba-
(2)
J, POUYADE: "La route des Indes et.ses navires" . Paris, Payot., 1949;
p , M . DUVAL : "Ln forme des na.vires romains", dans "Mélanges
d'arehéo!ocle
et d'histoire, Ecole française de Rome " , t, XLI: 1949, p. 119-149,
(3) p , mOLE: "Arehéolog!e sous-marine, Une fou!l!e à 45 mètres sous
l'eau : le n:l.vlre d·All)enca ", d:l.Ils '"Le Monde", 3 Janvier 19:;1,
-
200 _
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LA «PECHElI SOUSJMARINE
3
teau sur les indications téléphonées par un plongeur, placé li l'inté·
rieur d'une chambre d'observation. Si un tel instrument est capable d'arracher les tôles des épaves et d ' en crever lei! ponts, il elH li
craindre que sa puissance même ne soit un obstacle à son emploi
pour des fo uilles de caractère archéologiquc. Aucune coque en bois,
comme celles des navires antiques, profondément désagrégée par
un séjour de près de vingt siècles dans la vasc, mais qui ,peut paraÎIre dans un certain état de conservation, ne peut résister aux tractions de la «benne». C 'est d'ailleurs ce qui s'cst passé au large d'AI.
benga: avec les quc-Iques 728 amphores intactes ct 'les tessons appa r·
tenant à 500 autres, la «benne» a remonté des membrures de chênc,
des revêtements en bois de pin, des 'pièces de plomb, lames de dou·
blage de la coque, une rouelle de pl omb de Om.,40 de diamètre,
du poids de JOO kilogrammes, percé de qualre ouvertures où p:18·
snicnr des axes de fer, à ,'un,c d'elles adhérait encore un fragment
de cordc, peul.être un cont repoids de mât, des débris de Irois casques métalliques, un creuset rempl i de plomb et de gros tuyaux de
même métal. ToUtC5 ces trouv:ûlles sont en elles· même. intér~snn
tes, d'autant plus que les amphores conlenaient des produits variés:
noisettes de la provision de l'équipage et, pour une partie du char·
gement du bitume, mais on ignorera toujours Quelles étaient les conditions de l'arrimage de la cargaison, Bitume cl provisions ne de·
vaient pas être mélangés; où se Irouvait situé le peti t alelier de réparation, dont l'existence est attestée ,par le matériel que représentent lcs tuya ux ct le creuset contenant encore du plomb? De Quelle
pa n ic du navire proviennent lcs débris dc casQues, aussi bien que
la lourde rOue de plomb? Les seuls renseignements, recueillis sur
les dispositifs du ch .. rgement, sont 1es suivants: «une première
couche d' .. mphores a été retrouvée sur deux rangées, obliQuemen l
dressées, les cols "crs J'extérieur . .LC5 deu:>:: rangées du dessous
étaient également obliques, mais nes cols à l'intérieur Ct presque
tous brisés, Il se mble que l'effondrement de l'épnve ait f .. it céder
Ic chargement au centre» (4), Il ne s'agit, au vrai, que d'une «pê.
che», ct le vague des re nH;gnements dont on dispose ne permet, ni
de préci se r avec exacti tude la naturc de la ca rgaison, ni 80n ca raco
tère, dans leq uel M. Nino Lamboglia croit I ouvoir reconnaître un
P
ch .. rgement de caractère militaire, naufragé au 1er siècle avant noIre ère.
( 4)
Ibid.., col, 2.
- 201-
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4
R. LANTIER
Les problèmes de lecnique ne s'arrêtent p3S :1 ceux du dég:lgerncn l de l'ép
les travaux de rcléverncnt. Une nouvelle campagne est projetée su r
le si le d'Albenga. dans le but de remonler le navire, après l'avoir
vidé de son contenu ct épuisé la vase. Des madriers passés sous
la
coque, des étais, constituerai ent un coffre permettan t de soulever
l'ép3vc. Ma is après les secousses cl ,tC1! dislocations provoquéC9 par
Je travail de la cbennc:e , on peut douter du succès de l'opération.
Sur le littOral français, depuis plusieurs années, les fervents de la
pl'o ngée ont fréquenté. dans le voisinage de la balise d'Anthéor
(Var), un gisement sous-marin où, par 21 mètres de fond, gisaie nt
de no mbreuses am phores. Sur lïntervent io n des deux clubs d'explo_
ration sous- marine, la police des côtes mit fin il cc pillage cl le
Groupe de rei:herch es sous- marin es, Section scien.tifique de rEtatMajor Général de la Marine Nationale, envoya su r les lieux ·l'aviso
Elic-Motllli'er. Les pho tographies so us- marines que furent obte nues
,prouvèrent qu'il s'agissait de l'épave d'un navire chargé d'amphores
disposées régulièrt"mcn t, enfouies dans la vase et recouvertes par les
algues CI les zostères (5). Au cours d'une plongée d'exercice, du 21
au 25 Août 1950, les plongeurs de l' Elic-M omliCr allaient tenter de
déga&
d' un dévaseur. Diverses parties de la coque o nt été relevées , deux
couples, dC6 fragments du doublage intérieur. Le navire mesure
une cfnquan laine de mètres de longueur. Les amphores, dont quelques uns des bouchons en plâtre portaient encore leu rs marques l'un d'eux est frappé au timbre de L(ucius} An(anius}, suivi de l'indication de la con tenance en setiers de l'amphore- étaient tan tôt
ptacécs verticalement et tantôt horizontalement.
Une grande va riété sc mani feste dans la nature des cargaiso ns
si JUSqU'li ee jour, le transport des denrées alimentaires paraît dominer dans ces chargements.
Dans la rade de Saint-Tropez (Var), face au cime:tière de " ,agglomération, li quelques cent mètres du rivage, reposlli en t, par qU:lIre
li six mètres d u fond, la cargaison d'un navi re transportant des matériaux d'architecture, en marbre de Carrare: trois chapit:t ux doriques avec abaque et moulure en échine, neuf tro nçons de fûts de
cotonnes ·Iisses, une architrave parallélépipédique ct une grande ba(5 ) P. OIOLE: "Archéologie sou.s manne. L'épave d'Anhtéor", dans "Le
Monde", 17-18 Septembre 1950: R. GRUSS: "Avec les .plongeun du O. E. R. S. ",
dans "Bulletin officiel du Club alpin sous-marin", 1950.
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LA . PECH E.. SOUS-'MARINE
5
se carrée. On peut douter de l'anliquité de ce chargement , découvert par les plongeurs du Club alpin sous-ma ri n de Cannes. Ccs
marb re! pourraien t bien avoi r fait partie du cha rgement d'u n b:lIcau
ayant transpo rté en F rance des éléments d'a rchitec ture sous ~'e Premier Empire (6).
D' un intérêt artist ique autrement im porta nt est la découverte,
faite le 9 J uillet 1949, pa r 5,- 5' de longitude Est (Paris) 7,- 25' 30"
(Greenwich) et 43 0 44 ' de longitude Nord, au large du rocher de
Monaco, au rocher de Saint-N icolas, par 40 mètres de fo nd , des
débris d' un navire antique naufragé, Qui transpo rtait des oeuvres
d ' art , dont l' une d'elles a pu être remontée. C'es t une grand" stat uette en bronze, une pant hère, haute de 001 .,52, ·longue de Om.,38,
alors en tièrement co uverte de concrétions marines , encore visibles
sur la par tie arrière du corps (La m, } , num. 3), Le brOnze a passablemen t souffert de son lo ng séjour dans la mer : la face antérieure
de la patte gauche a été en partie rongée pa r la corrosion; su r le
dos c t sur lu fl ancs, lIa surface li élé p lus ou moins largement perfo rée; la Queue est brisée à 39 mm. de Sa na issance. Des traces de
réparations précisent J'existence d'accidents anciens, sur la pa rt ie
droile de la mâcho ire supérieure el, sur Je dos de .petites plaq uettes rectangulaires, rarement ovales, obstr uent les soufflures survenues lors de la fonte de la pièce.
La panthère (7), un mâle, esl rep résentée les palles arrière supportant le poids d u cOrps, l'a d roi te portée en ava nt, de même que
la palte anrérieure droite', lia gauche levée el p loyée, le cou tendu,
la tête dressée, les oreill es pointa nt , la gueule o uverte, la langue au
file t incisé, rapportée en cuivre rouge, dardant ent re les incisives
inférieu res, les na rines dilatées, le mufle violemment plissé, les
yeux large men t ouverts, à la pupill e indiq uée par un I oi nt creux ,
P
tria ngulairo, le reg:lrd dirigé vers le h:lUt. Sous 1:. mâc hoi re inré·
rÎoul"e, deux touffes de poils dessi nent une double barbiche et, :l la
b :ISC d u crâne, des incisions p rofo nd es et inc u r\lé~ fi guren t les m' ;
è
cites d ' un col lier de poils à la naissa nce d u cou.
Sur la p:lti ne, p assa nl d'un vert olive dominant au vert foncé,
appa r3isscnt de menues p laquett es de 15 à 20 mm, sur 20 :\ 10 mm .,
(6) DR. L. DENEREAZ et J. CHARVEZ; "Découvertes de marbres antJques
dans " BulieUn officiel du Club alpin sous-marin". 1950.
(1 ) La statuette est entrée dans les oolJectloru du Musée d~ AnUqutt.és
Nationales, au ch3teau de Salnt-Germa.ln-en-Laye.
:i
saln~-Topez".
-
203-
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6
R. LANT IER
en cuivre ro uge, découpées cn forme de h::tricot, marquant tes oseciltS du pelage du fauve.
Dans le rendu èe J'animal , un contraste très nct sc manifeste
cnlrc le modelé du corps, où ro n relrouve, précisément indiquées.
Ics dcformali ons imposées par le mouvcmcnl, le flanc gauche sensiblement moins ('(cusé. plus détendu, ct le CDU de forme tubulaire.
sans a uc une indica tion de la muscu la t ure. Oc mêmo. on COnstate
une disproport ion entre le corps ct les palles Qui, :I VCC leurs pelol es.
cl le dét aill é de leur modelé. sc rapprochent un peu trop des picd ~
de me ubles e n forme de patf~s de félin.
Le bronze, qui étai! fixé sur un socle, co mme le prouve la présenoo, sous la palle antérie ure droite, ècs Ira ces (l'un scellement :10
plomb, dépassant la pelote de 22 mm., ne doit pas être sép:lrê du
groupe auquel il devait vraisemblablement appartenir. L'J rs des o pé.
rations de décapage, s'ouvrait, au dos de l' animal, une cassure plus
importante Que ·Ies autres, aux bords irréguliers. On doit nécessai.
rement se demander pOur Quelles raisons s'est produit un pareil, accident, précisément en un .point où ·Ie métal offrait une résistance
particulière. La brisure semble avoir été élargie, 'ors du long séjou r
de la statuelle au fond de.]a mer, et po ur ra it fo rt bien avoir pour
po int de départ une ouverture sensiblement ,plus étroite, desti~ée au
passage d'un tenon de fixation d'un personnage, Qui aurait été assis
sur le dos de la panthère. Cette rC$ti tution trouve une co nfirmation
dans l'attitude prêtée à ,'a nimal, levant la patte droite comme ,pour
sc mettre en marche, l'arrière-train très légèrement Réch i, la tête
levée, le cou démésurement allongé, la gueule béante, rugissant cn
direction du spectateu r. Un rapprochement précis avec deux groupf'!i
antiques, j'un, en pierre, découvert récemment au théâtre de Sbeitla
fl'uni sieJ (8), l' :lUtre une ap plique de bronze de la co llection Adrien
!J 'anchet e t pro\'enant de Néris (All ier) (9), l'un ct l'aut re représen.
tant Bacc hu s assis sur une panthère, tournée ~ droite, immobile et
rugissante. La pantbè rc du rocher Saint-Nicolas représenleraÎ1 alora
l'un des éléments de ce gro upe, connu par des figumtions en rond ebossc, Quelques rares petits bro nzes, des sarcophages, une peinture,
des mosaïques, une lampe, un bas-relief (JO) , et dont l'origine asia(8)
G. CH. PICARD: "statue et statuettes dlonyslaq ues découvertes en
Tunisie ". d.ans " Revue Africaine", 1944, nUm. 398-399 (extrait).
(9)' A. BLANCHE!' : "Revue archéologique", 1924, l ,p. 300 sqq. &. pl. n :
V
S. REINACH : "Répertoire d.e la statuak'e grecque et romaine", t. , I, p. 21.
N um.2.
(0) O. CH. PICARD: Op. clt., p. 8-11.
-20<-
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LA .. PECHE»
SOUS~MARINE
7
tique ne parait guère contestable. Le groupe figure déjà dans dU!
monna ies de l'Asie Hellénistique au IVe fiiièele-. On le retrOUvesur les
pei ntures de vases, et l'on peut admettre que la transposition du
thème en sc ulpture ait tardé dava ntage, sa ns malgré tout pouvoi r
dépasser de beaucoup la fin du IVe sièc1e avant l'ère (lI) .
Le Bacc hus assis sur la panthère du Rocher Sai nt-Nicolas sera it
parmi les groupes de cc genre, en bronze, le plus impor tant par ses
dimensions. L'a tt itude en ma rche de l'animal ne ,permet pas de le
r:1pporter :l l'un de ces groupes mo nlrant l'associatio n d e Bacchus
jouant avec une panthère assise, la patte gauche levée dans une dorte de câlineri e fé[i ne» (12),
Quell e da te pe ut-on fixer au monument ? On serait tenté de
,proposer une assez haute époque pour b statuette, Les incrustations
de métal différent, figura nt les oscelles , appa raissent Ilur la p;m lhêra
de I:J coll ection Edmond de Rotschi [d (13),
Les rapprocheme nt' que j'on peut établir avec Io;! grou pe de Sbeït_
la , les sa rcop hages ct les mosaïques, offrant cc même type de représentatio ns, de même que tes monn aies et une lampe de Bull a Regia,
conduiraient plutô t :l p roposer le Ille siècle de notre ère. C'est, en
effet, la cette époq ue, aux temps des derniers Ant onins ct des Sévères, que [e groupe connaît sa pl us grande vogue (l4) ,
On peut cependant sc demander si le bronze n'est pas plus ancien, et un argument d'importance, dans [e sens d' une date vlus
haute, est donné par [a découverte, en ce même gîte sous-marin J u
Roche r Sa ini-Nico las, d 'un fana l de navire en bronze, très différen t.
par ca forme ct ses procédés d' alime'ntation, de la .la nterne, suspendue devant [a cabi ne du vaisseau ami ral, su r la Colo nne T rajant:
(1 5). 1-!:lUt de Om,,16, d'un diamè tre de Om.,20 à la partie supérieure
ct de Om.,I S ~ la part ie in férieu re, l' objet, incom,l et, de form e ci rculnire, est bil de deux pièces: un couvercle en tô le de bro nze,
maintenu par des rÎv
(12 ) S. REINAOH : " P an thère de bronze", dll.ns " Monuments Pio~", t. I V,
1897. p. 105-114.
(131 Ibid., p . 116,
(14) 0, CH. PICARD: Op. clt., p. 21, num. 72.
(l5) W , FROEHNER : "L9. CO'onne Tr:a.jane", t. ru, pl. 109; SAOLIO
l'OTrlER : " Dictionnai re du ant!qu lW erecques el mmlLincs", $. v. " Iucema~:
S ALOMON oRElNAOH: "Rêperlolre de reliefs grecs et roma.ins", t. r , p , 351.
num. 63; S. LOESCHKE, .. Antlke La nterneo und Lichthausoheo", dans .. Bonner J ahrbUeher ", t. 118, 1910, p. 393 &- pl XXXII, 7.
(l 1)
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8
R. LANTIER
gemenl ajouré. lui· même jadis fixé li un suppOrt. Au-dessus du pied,
un socle était o rn é d'a rcatures et surmonté d'un large bandeau, fondu ct gravé, figurant une enceinte crénelée de ville, Aanq uée de six
to urs, pe rcées chacune d ' une porte ct de deux fenêtres à la hauteur
de l'étage. Sur la muraille, l'appareillage des pierres a été indiqué
à la pointe (Lam . 1. num. 2).
On rapprochera celte o rnement at io n de celles des mosaïques du
1er siècle de notre ère, reproduisan t, tant en Italie qu'en Gaule (16).
un bandeau lourclé, crénelé. ,percé de porles el d e fe nêtres. On Stl ÎI
a uss i que le motif architectu ral de la tour ri été utilisé pOur don ne r
leu r 'forme il certaines la nternes de tc rre_c uile, cela dès le 1er siècle
il Pe rga me (17) ct que I mode se poursu it pendant nes siècles su i!a
vants dans les régions danubiennes et rhénanes (18). le type à la. to ur
ca rré éta.nt plus anciennement ut ilisé que celui à plan circ ulaire.
Si le fanal 2Ppartient bien à la même épave que la sta t uelte de la
,panlhère, cell e-ci ne peut-être p lacée au plus tôt qu'au 1er. siècle de
notre ère. Il serait alo rs nécessaire de remonter p lus hau t encore 53
date et dCl reconnaître dans l'oeuvre d'art, naufragée a u large des
cô tes de Provence. une nouvelle production de 13 to re utique hellénistique. La q ualité de fimage est loin de s·opposer à cette conclusion.
E n plus de l'in térêt que présente le fana l de bronze pou r la datatio n de 13 cargaison, contenue dans ,'épave du Rocher Saint-Nicolas , il a le mé rite de faÎre connaître un moyen d ·éclai rage, ut ili sé
il bo rd des navirC9 au début de l'Empire. La fo rm e en corbeille ,
Ju gement aé rée p :u les ouvertu res pratiquées dans le pied, o u cor·
rcs,po nd:mt aux vides laissés ,par les portes et les fenêtres et entre
les créneaux et le couvcrd c, sc prêtait parfaitement au rôle de II.pot
il fe u», q ui lui était réservé. I l taut admettre l'existence d'un réci·
pient sur lequel il ét3i t placé ct dans lequel brû lait une matière in·
flam able pouva nt répandre une fo rte lue ur.
Le fanal n'es t P3 S le se ul objet d 'équipcmet recueilli :I U co urs de
ces «pêcheh sous-marines. On a remonté du haut -fond de L a Péque roJJc, ii l'Est d·u Cap d'Antibes (Alpes Ma ritimes) et à peu de
(6 ) MoM.iQueS d'Auriol, d·Orange et de Nîmes: " I nventa'lrc des m0$3.iques
de la Gaule et de l'Afrique", 1.. I, "Gaule", par O. LAFAYE et A. BLANCHET,
nom. 113, 29'l, 319.
(17 ) S. LOŒCHCKE: Op. cit.., p . 409-410, fig. 2().
( 18) I bid., p. 40'1 .... 12.
-206 -
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LA «PEeliE. SOUS- MARINE
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distance à l'Est de lïlôt rocheux de La Grenaille, un jas d'ancre (19),
en plomb, long de Im .,BO et pesa nt plus de 400 kilogrammes. Il est
décoré sur deux de ses branches de Irois fi gu res en relief représenlan t una tête de Méd use, inscrite dans un ca dre de Om.,099 de côté.
Le visage allongé, aux traits apaisés, aux yeux ovales et à la bo uche
entr' o uverte, est encadré par de longues tresses retombant jusqu'à
la hau teur du menton; deux ailerons sc dressent au-dessus de la chI!velure. Connu en G aule à l'époque rom aine, cc masque apotropaïQue est apparenté à la tête, celle-ci en tourée de se rpents Qui ne sont
.pas reproduits sur la figure de l' ancre, du couvercle de bron7..Q de
S:lint-I-I o no ré d'Autun (20) et aux appiliQues de Saint-Gervais-dc.
Fos, ainsi Qu'aux Méduses a~lécs décorant les sarcophagu; arlésiens,
(21) .
O n hési te encore sur la datation de ces jas d'ancres, aux deux
branches légèrement incurvées et s'amincissan t vers leurs ext rémités,
séparées en leu r milieu par une «boît~ ca rrée, dont la jonction est
a&su rée par un tenon la tràversant dans le sens longit udinal du jas
(22). Dans cette ouverture centrale était insérée J'extremité ~upé ri e u
re de la vrge de bois de l'ancrc , fa ite de deux pièces «en jumelles» ,
réunies par des amarrages ou colliers. A la partie supérieure des pièces étai t pratiquée une encoche, dans laquelle était maintenu le tenon
de pl omb fixant au jas la verge, dont n' extrémité inférieure était RanQuée de deux crocheta en bois, les «palles. de l'ancre, Les ancres ,
remo ntées des fond s de la Meditcrranéc occidentale, paraissent bicn
contemporaines les unes des autres et peuvent être rappo rtées aux
derniers temps de la République et au début de l'Empire ro main,
date Que con firment les découvertes d'amphores du type 1 de Drcxd, rec ueillies dans les parages d'Agay et de l' île Sainte-Marguerite,
d'o ù proviennent également [cs q,ncres , Q uant aux centrCfi de fabri ca.
tio n de ces pièces, il faut les chercher dans les ports de commerce
èJe l'Asie Mineu re ct de la Grèce et dans les imitatio ns, faites cn
Es pagne dans les fonderies de plomb d u Cap de P:llos.
(l9) p , BENOIT : "J as d' a.ncre à tête de Méduse " , dans "DulleUn officiel
du Club alpin sous-marin", 1950.
(20) A. BLANCHET : " ,R evue a.rchéologique", 1893, l , p. 4,.p1. 1.
13l) S. REINACH : "Bronzes figu rés de la Ga. ule romaine", p. 119, numé·
ro 121,
(22) ·· Revue archéologique", 18M, 2, p- 220-230.
-
207-
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[page-n-209]
LANTIER.-"La
P ~ehe sous- mlU' ln e~
l .- Le gisement sous-marin d'AnU'léor (Photo de M. Ph. DIOLE).
2.- Fanal de navire en bronce du Rocher St. Nicolas (MOnaco).
3. - La panthere du Rocher St.. Nicolas (MOnaco).
LAI\(. 1.
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,
RAYMOND LANTIER
( Francla)
La
« Pê.ch~ » $ous-marin~
aux antiquités
Oc nombreuses cl fréquentes découvertes, faites dans les caux
du littoral du golfe du Lion, auircnr de nouvea u l'attention sur
J'importance des rec herches archéologique5 sous-marines. Mais Il
ne ,'agit encore que d'une «pêche:. aux antiquités, conséquence de
la vogue croissa nte d'un sport, fort à la mode sur 13 Côte d'Azur
particulièrement, la p longée en scaphandre autonome. L'exploration reste déiiordonnée. auncunc coordin:ation ne sc rn:lOifeste enco re,
malgré les cfforts tentés par deux olubs, privés, le Centre de recher·
ches ct d'explor:1!ions sous-marines et le Club alpin de rccherc hCfi
sous-marines, opérant su r les côtes provençales.
Un vaste champ d' action s'cst ainsi ouvert à l' ac tivité des cher.
c heurs, mais ce n'es t toutefois pas unc nouvcauté dans l'arc hoélogic
c l l'on conn ait d'illustres précedcnt>s à ces pêches méditcrr:méen.
ncs (1). Il importe de meUre de l'ordre et une organisllIion métho·
dique s'imposc pour évi ter un pill age, sa ns a ucu n profit po ur 'a
science, 'des épaves coulées depuis rantiquité à proximité du litto·
raI. Le problème n'a pas échappé au Service des fouilles archéolo.
glQues et un projet de régla mcntat ion est à l'étudc,
Les possibilités apportées à l'explorati on d'un gisement sO us-marin p:lr futilisation du scaphandrc autonome sont loin d 'être négligcables, mais tant Quïl ne s'agi ra Que de récoltes d'objers isolés,
'le but nc sera pas attei nt, Autant que le fouilleur qui creuse le sol
(1) Les louUleG du navire antique, rempli d'oeuvres d'Mt.. COUlé en avant
ae Mahdia (TullÜ;lel .
_
199_
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2
R. LANTIER
a
la recherch e des vestiges d'un passé aboli, l'explorateu r d'un gîte
sous-marin est comptable des archives Qu'un heureux hasard a mis
cnt re ses rn:lins. Mais de cette doc um e ntati on, une fou le d'é-lémcn ls
so nt appelés ;) dispar:lÎlre a tout jamai s du f;li t même des rccherehes. Aucun reto ur cn arrière n'cst possible. Aussi peut-on regrelter la fr éq ue nce de ces p longées, plus spo rtives que scientifi ques, au
cours desquelles des pièces, amphores o u ::mcres, auront été re mon·
fées sa ns Qu ' aucu n compte n'ait été tenu du milieu où clics o nt été
rencon trées. L'inve nteur devrai t avoir le so uci consta nt de noter
avec une rigoureuse ,précis ion lous les éMmc nts q ui constitue nt le
cadre de ses découvertes, cn l'espèce l'é pave du navire naufra gé ,
et ces navircs de c ha rge, ces «c:l rgos» du monde a ntiquc, il fa ut bic n
avoucr que nOliS e n ignorons e ncorc il pe u près tout (2). En l' absen·
ce do nolcs, de pho tograph'Îes, de croquis cotés, ce qui im po rtc ce
n' cst pas d 'a jo uter une amphore ou une :ancre aux coll ections publ iques ou privécs , mais d'apporte r les éléments à un certain nombre de qucstions: quclle cst la situ ation exacte du navire? ses dimensio ns? comment était·iI construit, pORlé ou non? comment
é tait·il actionné? comment était a rrimée la c:argaiso n?
Tout est il créer dans ce do maine de ,la recherche sous-marine:
éducatio n des fo uilleurs auss i bien que moycns techniques de .J'cxplora tion, Il ne p a raît pas, cn effet, que les procédés de relcvage,
qui ont donn é de bons résu ltats lo rs des opérations de sa uvetage de
navires li caque métallique mode rnes, puisse nt être adoptés pOur
les travaux d'archéologie sous· ma rine, L'intc rventi on de la cbennefJ ,
lors dcs fouillcs exécutées du 8 au 20 Fév rier 1950, p ar le navire
relevcur d ' ép:lvCfI it .. licn ArtigUo, su r la côte de la Ligurie, il un e
mille en mc r au la rge du port d' A lbenga (3). su r un poin t où , dès
1925, des pêc heu rs avaient rem onté dcs :!nlphores da ns leurs fil ets,
parai t bien loin (r avoi r donné les résu'ltalS cscomptés, U , par 45
mètres de fond, gisait l'épa ve. e nvasée, d 'un navire d'cnviron 35
mètres de lo ngucur su r une do uzaine de mètres de l:Jrgeur , DeVo
IR!
la d iffic ulté d'a r rac her les ,poteries, e ncastrés dans un m:lgma de
tesso n et d'a,lgues, on décida de faire appel au se rvice d ' un appareil
' !
spL"Ci:. l, sorte de mâcho ire d'acier, que l' on peut manoeuvrer du ba-
(2)
J, POUYADE: "La route des Indes et.ses navires" . Paris, Payot., 1949;
p , M . DUVAL : "Ln forme des na.vires romains", dans "Mélanges
d'arehéo!ocle
et d'histoire, Ecole française de Rome " , t, XLI: 1949, p. 119-149,
(3) p , mOLE: "Arehéolog!e sous-marine, Une fou!l!e à 45 mètres sous
l'eau : le n:l.vlre d·All)enca ", d:l.Ils '"Le Monde", 3 Janvier 19:;1,
-
200 _
[page-n-201]
LA «PECHElI SOUSJMARINE
3
teau sur les indications téléphonées par un plongeur, placé li l'inté·
rieur d'une chambre d'observation. Si un tel instrument est capable d'arracher les tôles des épaves et d ' en crever lei! ponts, il elH li
craindre que sa puissance même ne soit un obstacle à son emploi
pour des fo uilles de caractère archéologiquc. Aucune coque en bois,
comme celles des navires antiques, profondément désagrégée par
un séjour de près de vingt siècles dans la vasc, mais qui ,peut paraÎIre dans un certain état de conservation, ne peut résister aux tractions de la «benne». C 'est d'ailleurs ce qui s'cst passé au large d'AI.
benga: avec les quc-Iques 728 amphores intactes ct 'les tessons appa r·
tenant à 500 autres, la «benne» a remonté des membrures de chênc,
des revêtements en bois de pin, des 'pièces de plomb, lames de dou·
blage de la coque, une rouelle de pl omb de Om.,40 de diamètre,
du poids de JOO kilogrammes, percé de qualre ouvertures où p:18·
snicnr des axes de fer, à ,'un,c d'elles adhérait encore un fragment
de cordc, peul.être un cont repoids de mât, des débris de Irois casques métalliques, un creuset rempl i de plomb et de gros tuyaux de
même métal. ToUtC5 ces trouv:ûlles sont en elles· même. intér~snn
tes, d'autant plus que les amphores conlenaient des produits variés:
noisettes de la provision de l'équipage et, pour une partie du char·
gement du bitume, mais on ignorera toujours Quelles étaient les conditions de l'arrimage de la cargaison, Bitume cl provisions ne de·
vaient pas être mélangés; où se Irouvait situé le peti t alelier de réparation, dont l'existence est attestée ,par le matériel que représentent lcs tuya ux ct le creuset contenant encore du plomb? De Quelle
pa n ic du navire proviennent lcs débris dc casQues, aussi bien que
la lourde rOue de plomb? Les seuls renseignements, recueillis sur
les dispositifs du ch .. rgement, sont 1es suivants: «une première
couche d' .. mphores a été retrouvée sur deux rangées, obliQuemen l
dressées, les cols "crs J'extérieur . .LC5 deu:>:: rangées du dessous
étaient également obliques, mais nes cols à l'intérieur Ct presque
tous brisés, Il se mble que l'effondrement de l'épnve ait f .. it céder
Ic chargement au centre» (4), Il ne s'agit, au vrai, que d'une «pê.
che», ct le vague des re nH;gnements dont on dispose ne permet, ni
de préci se r avec exacti tude la naturc de la ca rgaison, ni 80n ca raco
tère, dans leq uel M. Nino Lamboglia croit I ouvoir reconnaître un
P
ch .. rgement de caractère militaire, naufragé au 1er siècle avant noIre ère.
( 4)
Ibid.., col, 2.
- 201-
[page-n-202]
4
R. LANTIER
Les problèmes de lecnique ne s'arrêtent p3S :1 ceux du dég:lgerncn l de l'ép
le si le d'Albenga. dans le but de remonler le navire, après l'avoir
vidé de son contenu ct épuisé la vase. Des madriers passés sous
la
coque, des étais, constituerai ent un coffre permettan t de soulever
l'ép3vc. Ma is après les secousses cl ,tC1! dislocations provoquéC9 par
Je travail de la cbennc:e , on peut douter du succès de l'opération.
Sur le littOral français, depuis plusieurs années, les fervents de la
pl'o ngée ont fréquenté. dans le voisinage de la balise d'Anthéor
(Var), un gisement sous-marin où, par 21 mètres de fond, gisaie nt
de no mbreuses am phores. Sur lïntervent io n des deux clubs d'explo_
ration sous- marine, la police des côtes mit fin il cc pillage cl le
Groupe de rei:herch es sous- marin es, Section scien.tifique de rEtatMajor Général de la Marine Nationale, envoya su r les lieux ·l'aviso
Elic-Motllli'er. Les pho tographies so us- marines que furent obte nues
,prouvèrent qu'il s'agissait de l'épave d'un navire chargé d'amphores
disposées régulièrt"mcn t, enfouies dans la vase et recouvertes par les
algues CI les zostères (5). Au cours d'une plongée d'exercice, du 21
au 25 Août 1950, les plongeurs de l' Elic-M omliCr allaient tenter de
déga&
couples, dC6 fragments du doublage intérieur. Le navire mesure
une cfnquan laine de mètres de longueur. Les amphores, dont quelques uns des bouchons en plâtre portaient encore leu rs marques l'un d'eux est frappé au timbre de L(ucius} An(anius}, suivi de l'indication de la con tenance en setiers de l'amphore- étaient tan tôt
ptacécs verticalement et tantôt horizontalement.
Une grande va riété sc mani feste dans la nature des cargaiso ns
si JUSqU'li ee jour, le transport des denrées alimentaires paraît dominer dans ces chargements.
Dans la rade de Saint-Tropez (Var), face au cime:tière de " ,agglomération, li quelques cent mètres du rivage, reposlli en t, par qU:lIre
li six mètres d u fond, la cargaison d'un navi re transportant des matériaux d'architecture, en marbre de Carrare: trois chapit:t ux doriques avec abaque et moulure en échine, neuf tro nçons de fûts de
cotonnes ·Iisses, une architrave parallélépipédique ct une grande ba(5 ) P. OIOLE: "Archéologie sou.s manne. L'épave d'Anhtéor", dans "Le
Monde", 17-18 Septembre 1950: R. GRUSS: "Avec les .plongeun du O. E. R. S. ",
dans "Bulletin officiel du Club alpin sous-marin", 1950.
-202_
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LA . PECH E.. SOUS-'MARINE
5
se carrée. On peut douter de l'anliquité de ce chargement , découvert par les plongeurs du Club alpin sous-ma ri n de Cannes. Ccs
marb re! pourraien t bien avoi r fait partie du cha rgement d'u n b:lIcau
ayant transpo rté en F rance des éléments d'a rchitec ture sous ~'e Premier Empire (6).
D' un intérêt artist ique autrement im porta nt est la découverte,
faite le 9 J uillet 1949, pa r 5,- 5' de longitude Est (Paris) 7,- 25' 30"
(Greenwich) et 43 0 44 ' de longitude Nord, au large du rocher de
Monaco, au rocher de Saint-N icolas, par 40 mètres de fo nd , des
débris d' un navire antique naufragé, Qui transpo rtait des oeuvres
d ' art , dont l' une d'elles a pu être remontée. C'es t une grand" stat uette en bronze, une pant hère, haute de 001 .,52, ·longue de Om.,38,
alors en tièrement co uverte de concrétions marines , encore visibles
sur la par tie arrière du corps (La m, } , num. 3), Le brOnze a passablemen t souffert de son lo ng séjour dans la mer : la face antérieure
de la patte gauche a été en partie rongée pa r la corrosion; su r le
dos c t sur lu fl ancs, lIa surface li élé p lus ou moins largement perfo rée; la Queue est brisée à 39 mm. de Sa na issance. Des traces de
réparations précisent J'existence d'accidents anciens, sur la pa rt ie
droile de la mâcho ire supérieure el, sur Je dos de .petites plaq uettes rectangulaires, rarement ovales, obstr uent les soufflures survenues lors de la fonte de la pièce.
La panthère (7), un mâle, esl rep résentée les palles arrière supportant le poids d u cOrps, l'a d roi te portée en ava nt, de même que
la palte anrérieure droite', lia gauche levée el p loyée, le cou tendu,
la tête dressée, les oreill es pointa nt , la gueule o uverte, la langue au
file t incisé, rapportée en cuivre rouge, dardant ent re les incisives
inférieu res, les na rines dilatées, le mufle violemment plissé, les
yeux large men t ouverts, à la pupill e indiq uée par un I oi nt creux ,
P
tria ngulairo, le reg:lrd dirigé vers le h:lUt. Sous 1:. mâc hoi re inré·
rÎoul"e, deux touffes de poils dessi nent une double barbiche et, :l la
b :ISC d u crâne, des incisions p rofo nd es et inc u r\lé~ fi guren t les m' ;
è
cites d ' un col lier de poils à la naissa nce d u cou.
Sur la p:lti ne, p assa nl d'un vert olive dominant au vert foncé,
appa r3isscnt de menues p laquett es de 15 à 20 mm, sur 20 :\ 10 mm .,
(6) DR. L. DENEREAZ et J. CHARVEZ; "Découvertes de marbres antJques
dans " BulieUn officiel du Club alpin sous-marin". 1950.
(1 ) La statuette est entrée dans les oolJectloru du Musée d~ AnUqutt.és
Nationales, au ch3teau de Salnt-Germa.ln-en-Laye.
:i
saln~-Topez".
-
203-
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6
R. LANT IER
en cuivre ro uge, découpées cn forme de h::tricot, marquant tes oseciltS du pelage du fauve.
Dans le rendu èe J'animal , un contraste très nct sc manifeste
cnlrc le modelé du corps, où ro n relrouve, précisément indiquées.
Ics dcformali ons imposées par le mouvcmcnl, le flanc gauche sensiblement moins ('(cusé. plus détendu, ct le CDU de forme tubulaire.
sans a uc une indica tion de la muscu la t ure. Oc mêmo. on COnstate
une disproport ion entre le corps ct les palles Qui, :I VCC leurs pelol es.
cl le dét aill é de leur modelé. sc rapprochent un peu trop des picd ~
de me ubles e n forme de patf~s de félin.
Le bronze, qui étai! fixé sur un socle, co mme le prouve la présenoo, sous la palle antérie ure droite, ècs Ira ces (l'un scellement :10
plomb, dépassant la pelote de 22 mm., ne doit pas être sép:lrê du
groupe auquel il devait vraisemblablement appartenir. L'J rs des o pé.
rations de décapage, s'ouvrait, au dos de l' animal, une cassure plus
importante Que ·Ies autres, aux bords irréguliers. On doit nécessai.
rement se demander pOur Quelles raisons s'est produit un pareil, accident, précisément en un .point où ·Ie métal offrait une résistance
particulière. La brisure semble avoir été élargie, 'ors du long séjou r
de la statuelle au fond de.]a mer, et po ur ra it fo rt bien avoir pour
po int de départ une ouverture sensiblement ,plus étroite, desti~ée au
passage d'un tenon de fixation d'un personnage, Qui aurait été assis
sur le dos de la panthère. Cette rC$ti tution trouve une co nfirmation
dans l'attitude prêtée à ,'a nimal, levant la patte droite comme ,pour
sc mettre en marche, l'arrière-train très légèrement Réch i, la tête
levée, le cou démésurement allongé, la gueule béante, rugissant cn
direction du spectateu r. Un rapprochement précis avec deux groupf'!i
antiques, j'un, en pierre, découvert récemment au théâtre de Sbeitla
fl'uni sieJ (8), l' :lUtre une ap plique de bronze de la co llection Adrien
!J 'anchet e t pro\'enant de Néris (All ier) (9), l'un ct l'aut re représen.
tant Bacc hu s assis sur une panthère, tournée ~ droite, immobile et
rugissante. La pantbè rc du rocher Saint-Nicolas représenleraÎ1 alora
l'un des éléments de ce gro upe, connu par des figumtions en rond ebossc, Quelques rares petits bro nzes, des sarcophages, une peinture,
des mosaïques, une lampe, un bas-relief (JO) , et dont l'origine asia(8)
G. CH. PICARD: "statue et statuettes dlonyslaq ues découvertes en
Tunisie ". d.ans " Revue Africaine", 1944, nUm. 398-399 (extrait).
(9)' A. BLANCHE!' : "Revue archéologique", 1924, l ,p. 300 sqq. &. pl. n :
V
S. REINACH : "Répertoire d.e la statuak'e grecque et romaine", t. , I, p. 21.
N um.2.
(0) O. CH. PICARD: Op. clt., p. 8-11.
-20<-
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LA .. PECHE»
SOUS~MARINE
7
tique ne parait guère contestable. Le groupe figure déjà dans dU!
monna ies de l'Asie Hellénistique au IVe fiiièele-. On le retrOUvesur les
pei ntures de vases, et l'on peut admettre que la transposition du
thème en sc ulpture ait tardé dava ntage, sa ns malgré tout pouvoi r
dépasser de beaucoup la fin du IVe sièc1e avant l'ère (lI) .
Le Bacc hus assis sur la panthère du Rocher Sai nt-Nicolas sera it
parmi les groupes de cc genre, en bronze, le plus impor tant par ses
dimensions. L'a tt itude en ma rche de l'animal ne ,permet pas de le
r:1pporter :l l'un de ces groupes mo nlrant l'associatio n d e Bacchus
jouant avec une panthère assise, la patte gauche levée dans une dorte de câlineri e fé[i ne» (12),
Quell e da te pe ut-on fixer au monument ? On serait tenté de
,proposer une assez haute époque pour b statuette, Les incrustations
de métal différent, figura nt les oscelles , appa raissent Ilur la p;m lhêra
de I:J coll ection Edmond de Rotschi [d (13),
la , les sa rcop hages ct les mosaïques, offrant cc même type de représentatio ns, de même que tes monn aies et une lampe de Bull a Regia,
conduiraient plutô t :l p roposer le Ille siècle de notre ère. C'est, en
effet, la cette époq ue, aux temps des derniers Ant onins ct des Sévères, que [e groupe connaît sa pl us grande vogue (l4) ,
On peut cependant sc demander si le bronze n'est pas plus ancien, et un argument d'importance, dans [e sens d' une date vlus
haute, est donné par [a découverte, en ce même gîte sous-marin J u
Roche r Sa ini-Nico las, d 'un fana l de navire en bronze, très différen t.
par ca forme ct ses procédés d' alime'ntation, de la .la nterne, suspendue devant [a cabi ne du vaisseau ami ral, su r la Colo nne T rajant:
(1 5). 1-!:lUt de Om,,16, d'un diamè tre de Om.,20 à la partie supérieure
ct de Om.,I S ~ la part ie in férieu re, l' objet, incom,l et, de form e ci rculnire, est bil de deux pièces: un couvercle en tô le de bro nze,
maintenu par des rÎv
1897. p. 105-114.
(131 Ibid., p . 116,
(14) 0, CH. PICARD: Op. clt., p. 21, num. 72.
(l5) W , FROEHNER : "L9. CO'onne Tr:a.jane", t. ru, pl. 109; SAOLIO
l'OTrlER : " Dictionnai re du ant!qu lW erecques el mmlLincs", $. v. " Iucema~:
S ALOMON oRElNAOH: "Rêperlolre de reliefs grecs et roma.ins", t. r , p , 351.
num. 63; S. LOESCHKE, .. Antlke La nterneo und Lichthausoheo", dans .. Bonner J ahrbUeher ", t. 118, 1910, p. 393 &- pl XXXII, 7.
(l 1)
_205_
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8
R. LANTIER
gemenl ajouré. lui· même jadis fixé li un suppOrt. Au-dessus du pied,
un socle était o rn é d'a rcatures et surmonté d'un large bandeau, fondu ct gravé, figurant une enceinte crénelée de ville, Aanq uée de six
to urs, pe rcées chacune d ' une porte ct de deux fenêtres à la hauteur
de l'étage. Sur la muraille, l'appareillage des pierres a été indiqué
à la pointe (Lam . 1. num. 2).
On rapprochera celte o rnement at io n de celles des mosaïques du
1er siècle de notre ère, reproduisan t, tant en Italie qu'en Gaule (16).
un bandeau lourclé, crénelé. ,percé de porles el d e fe nêtres. On Stl ÎI
a uss i que le motif architectu ral de la tour ri été utilisé pOur don ne r
leu r 'forme il certaines la nternes de tc rre_c uile, cela dès le 1er siècle
il Pe rga me (17) ct que I mode se poursu it pendant nes siècles su i!a
vants dans les régions danubiennes et rhénanes (18). le type à la. to ur
ca rré éta.nt plus anciennement ut ilisé que celui à plan circ ulaire.
Si le fanal 2Ppartient bien à la même épave que la sta t uelte de la
,panlhère, cell e-ci ne peut-être p lacée au plus tôt qu'au 1er. siècle de
notre ère. Il serait alo rs nécessaire de remonter p lus hau t encore 53
date et dCl reconnaître dans l'oeuvre d'art, naufragée a u large des
cô tes de Provence. une nouvelle production de 13 to re utique hellénistique. La q ualité de fimage est loin de s·opposer à cette conclusion.
E n plus de l'in térêt que présente le fana l de bronze pou r la datatio n de 13 cargaison, contenue dans ,'épave du Rocher Saint-Nicolas , il a le mé rite de faÎre connaître un moyen d ·éclai rage, ut ili sé
il bo rd des navirC9 au début de l'Empire. La fo rm e en corbeille ,
Ju gement aé rée p :u les ouvertu res pratiquées dans le pied, o u cor·
rcs,po nd:mt aux vides laissés ,par les portes et les fenêtres et entre
les créneaux et le couvcrd c, sc prêtait parfaitement au rôle de II.pot
il fe u», q ui lui était réservé. I l taut admettre l'existence d'un réci·
pient sur lequel il ét3i t placé ct dans lequel brû lait une matière in·
flam able pouva nt répandre une fo rte lue ur.
Le fanal n'es t P3 S le se ul objet d 'équipcmet recueilli :I U co urs de
ces «pêcheh sous-marines. On a remonté du haut -fond de L a Péque roJJc, ii l'Est d·u Cap d'Antibes (Alpes Ma ritimes) et à peu de
(6 ) MoM.iQueS d'Auriol, d·Orange et de Nîmes: " I nventa'lrc des m0$3.iques
de la Gaule et de l'Afrique", 1.. I, "Gaule", par O. LAFAYE et A. BLANCHET,
nom. 113, 29'l, 319.
(17 ) S. LOŒCHCKE: Op. cit.., p . 409-410, fig. 2().
( 18) I bid., p. 40'1 .... 12.
-206 -
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LA «PEeliE. SOUS- MARINE
9
distance à l'Est de lïlôt rocheux de La Grenaille, un jas d'ancre (19),
en plomb, long de Im .,BO et pesa nt plus de 400 kilogrammes. Il est
décoré sur deux de ses branches de Irois fi gu res en relief représenlan t una tête de Méd use, inscrite dans un ca dre de Om.,099 de côté.
Le visage allongé, aux traits apaisés, aux yeux ovales et à la bo uche
entr' o uverte, est encadré par de longues tresses retombant jusqu'à
la hau teur du menton; deux ailerons sc dressent au-dessus de la chI!velure. Connu en G aule à l'époque rom aine, cc masque apotropaïQue est apparenté à la tête, celle-ci en tourée de se rpents Qui ne sont
.pas reproduits sur la figure de l' ancre, du couvercle de bron7..Q de
S:lint-I-I o no ré d'Autun (20) et aux appiliQues de Saint-Gervais-dc.
Fos, ainsi Qu'aux Méduses a~lécs décorant les sarcophagu; arlésiens,
(21) .
O n hési te encore sur la datation de ces jas d'ancres, aux deux
branches légèrement incurvées et s'amincissan t vers leurs ext rémités,
séparées en leu r milieu par une «boît~ ca rrée, dont la jonction est
a&su rée par un tenon la tràversant dans le sens longit udinal du jas
(22). Dans cette ouverture centrale était insérée J'extremité ~upé ri e u
re de la vrge de bois de l'ancrc , fa ite de deux pièces «en jumelles» ,
réunies par des amarrages ou colliers. A la partie supérieure des pièces étai t pratiquée une encoche, dans laquelle était maintenu le tenon
de pl omb fixant au jas la verge, dont n' extrémité inférieure était RanQuée de deux crocheta en bois, les «palles. de l'ancre, Les ancres ,
remo ntées des fond s de la Meditcrranéc occidentale, paraissent bicn
contemporaines les unes des autres et peuvent être rappo rtées aux
derniers temps de la République et au début de l'Empire ro main,
date Que con firment les découvertes d'amphores du type 1 de Drcxd, rec ueillies dans les parages d'Agay et de l' île Sainte-Marguerite,
d'o ù proviennent également [cs q,ncres , Q uant aux centrCfi de fabri ca.
tio n de ces pièces, il faut les chercher dans les ports de commerce
èJe l'Asie Mineu re ct de la Grèce et dans les imitatio ns, faites cn
Es pagne dans les fonderies de plomb d u Cap de P:llos.
(l9) p , BENOIT : "J as d' a.ncre à tête de Méduse " , dans "DulleUn officiel
du Club alpin sous-marin", 1950.
(20) A. BLANCHET : " ,R evue a.rchéologique", 1893, l , p. 4,.p1. 1.
13l) S. REINACH : "Bronzes figu rés de la Ga. ule romaine", p. 119, numé·
ro 121,
(22) ·· Revue archéologique", 18M, 2, p- 220-230.
-
207-
[page-n-208]
[page-n-209]
LANTIER.-"La
P ~ehe sous- mlU' ln e~
l .- Le gisement sous-marin d'AnU'léor (Photo de M. Ph. DIOLE).
2.- Fanal de navire en bronce du Rocher St. Nicolas (MOnaco).
3. - La panthere du Rocher St.. Nicolas (MOnaco).
LAI\(. 1.
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