Hojas de sala Arqueologia de la memòria. Textos de sala
2024
Hoja de sala
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SALLE IV
LA MÉMOIRE DÉMOCRATIQUE EN CONSTRUCTION
EXPOSITION EXTÉRIEURE
Archéologie, exhumations et vignettes
Victimes de la “desmemoria”
L’exhumation des fosses communes du franquisme a été très médiatisée. Suite aux premières interventions archéologiques effectuées en 2000 et à l’adoption de la première loi sur la mémoire
historique en 2007, la mémoire de la répression franquiste s’est
imposée dans le débat politique et dans l’opinion publique.
Ce boom de la mémoire est encore bien présent aujourd’hui, ce
qui a permis de connaître un passé récent toujours à vif et d’y
réfléchir. Un passé devenu sujet d’informations à la télévision, à la
radio, dans la presse écrite et sur les réseaux sociaux, ce qui met en
évidence, aujourd’hui plus que jamais, qu’il relève de l’actualité.
L’illustration est une des expressions les mieux à même de transmettre la complexité d’un tel sujet. Que ce soit sous forme de
vignettes dans les journaux ou sous une forme monographique
dans les bandes dessinées et les livres illustrés, la représentation des
fosses communes agit comme une synthèse du débat autour de la
mémoire historique.
Cette compilation d’illustrations propose un parcours visuel qui
permet d’aborder des questions telles que la non-judiciarisation
des crimes du franquisme, l’impunité de la dictature, le traitement
sur le même plan des victimes et des bourreaux, le silence et la
“desmemoria” ou le rôle de l’archéologie dans la construction de
la mémoire démocratique.
Bien que plus de quatre-vingts années se soient écoulées, les familles doivent encore revendiquer leur droit à retrouver leurs disparus et à ce que justice soit faite. Au refus catégorique qui leur
fut opposé sous la dictature, elles durent, une fois la démocratie
restaurée, faire face pendant plusieurs décennies à l’abandon et à
l’inaction institutionnelle. Depuis quelques années seulement, les
pouvoirs publics commencent à assumer la nécessité de mettre en
œuvre des politiques publiques sur la mémoire.
Le cadre international relatif aux droits humains établit comme
piliers incontournables des sociétés démocratiques le droit à la mémoire et la garantie de non-répétition. Ce droit revendique la Vérité
pour connaître le passé et parler de ce qui s’est produit; la Justice
pour faire la lumière sur les crimes et lutter contre l’impunité, et la
Réparation pour traiter les victimes avec l’humanité qui leur est due
et permettre ainsi aux familles de faire leur deuil.
Quel que soit notre degré de conscience sur ce passé traumatique,
il touche l’ensemble de notre société parce qu’il fait partie de nous.
C’est la raison pour laquelle nous devons comprendre que la
construction de la mémoire relève d’une responsabilité collective.
Nous savons qui nous sommes
Derrière les chiffres, toujours bouleversants, se cachent des personnes précises, avec un prénom, des noms de famille et des parcours de vie. Si leur souvenir a souvent perduré dans la sphère
familiale, dans la sphère publique en revanche, leur vie a souvent
été réduite à leur condition de victimes, comme si leur identité
n’était plus définie que par le dernier instant de leur vie: l’exécution et la fosse.
Savoir qui ils étaient et ce qu’ils ont fait avant d’être assassinés permet de les recréer en vie à travers leurs parcours personnels et politiques, leurs liens affectifs, leurs espoirs et leurs combats. Chaque
nom et chaque micro-histoire retrouvée et partagée concourt à
briser le silence et la “desmemoria”.
Français
Le passé commence hier et l’archéologie, cette science
spécialisée dans son étude, en est tout à fait consciente.
Bien qu’elle soit connue comme la discipline qui
s’occupe de la découverte de civilisations passées et
d’objets anciens, la réalité est en fait très différente.
L’archéologie étudie tout ce qui est en lien avec
les sociétés humaines de la préhistoire au passé le
plus récent, à travers un large éventail de sources:
objets, paysages, espaces, constructions, écrits, restes
humains… et, quand cela est possible, à travers
également des témoignages oraux.
C’est pourquoi elle se dote d’outils et de méthodologies
très divers qui la relient à d’autres disciplines, telles
que l’histoire, l’anthropologie ou la géologie, ce qui en
fait une science interdisciplinaire.
Ce regard transversal lui permet d’aller au-delà de la
simple extraction du sous-sol. De fait, l’archéologie
a pour but d’analyser, d’interpréter et de diffuser la
connaissance du passé à travers un engagement ferme
en rapport avec les réalités et les conflits du présent.
“Archéologie de la mémoire. Les fosses de Paterna”
propose un voyage dans notre passé récent le plus
traumatique et explique le rôle de l’archéologie dans
la récupération des preuves et des souvenirs de la
répression franquiste.
SALLE IV
SALLE III
SALLE II
SALLE I
EXPOSITION EXTÉRIEURE
SALLE I
L’ARCHÉOLOGIE DU PASSÉ RÉCENT
Les conflits contemporains et l’archéologie
L’histoire de l’humanité est traversée par la barbarie. Des concepts
tels que génocide, crime contre l’humanité ou fosse commune appartiennent
malheureusement à notre réalité. Il est incontestable que le monde
contemporain a été un terrain d’expérimentation quant à l’usage
de la violence et de la répression utilisées comme mécanismes
de légitimation du pouvoir, de la purge et de l’élimination de la
dissidence.
On impose le silence sur ce passé traumatique mais les preuves,
souvent dissimulées ou détruites, résistent. Le souvenir d’un parent, les baraquements d’un camp de concentration, le signalement d’une fosse commune ou la lettre d’adieu d’une personne
condamnée à mort sont autant de preuves irréfutables des violations des droits les plus fondamentaux.
À partir de ces preuves, l’archéologie - notamment sa spécialité
médico-légale -travaille à l’élucidation des crimes et à la restitution
des corps et des parcours de vie des victimes. Elle participe égale-
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ment à la connaissance des espaces où ces crimes ont été perpétrés
et des lieux de mémoire à l’échelle internationale.
L’archéologie médico-légale
Retrouver les disparus victimes de la violence d’État trouve son
origine dans les travaux de l’archéologie médico-légale menés en
Amérique Latine. L’Argentine est l’un des premiers pays à avoir
ouvert des enquêtes sur les crimes perpétrés contre sa population
civile sous la dictature militaire.
Ce besoin de faire justice constitue l’embryon de nombreuses démarches scientifiques qui, depuis les années quatre-vingt, sont menées dans le monde entier. Cette pratique s’inscrit dans les directives et les règlements internationaux en matière de droits humains.
Ce n’est qu’au début du xxie siècle que l’État espagnol a mis en
œuvre ces protocoles appliqués à la recherche sur la répression
pendant la guerre et sous la dictature. Ce sont notamment les familles des victimes du franquisme qui n’ont eu de cesse de réclamer auprès des pouvoirs publics le droit à la vérité, à la justice et
à la réparation.
Ces revendications sont toujours en vigueur aujourd’hui. Il n’en
demeure pas moins que la législation espagnole ne prévoit pas la
judiciarisation des assassinats commis sous la dictature car elle estime que ces crimes sont prescrits, ce qui constitue une anomalie.
Savoir qui ils sont
L’ouverture des fosses constitue non pas la fin du processus mais
son début. Il faut redonner leur nom aux victimes, accompagner
leurs familles, leur donner la parole et faire de ce trauma un objet
de réflexion et d’engagement public.
Il s’agit là d’un long processus, minutieux et complexe, qui ne
donne pas toujours les résultats escomptés et qui exige une éthique
sociale et professionnelle.
L’identification génétique des restes humains commence paradoxalement par un élément aussi aseptisé qu’une boîte en carton, où
sont déposés les restes, dans l’attente des résultats des analyses ADN.
L’après-guerre et la répression en Espagne
La guerre d’Espagne prend fin en 1939, sans pour autant déboucher
sur la paix. Suite au coup d’État de 1936, le général Francisco Franco
a recours à la force pour instaurer un régime militaire totalitaire, profondément anti-démocratique, qui va perdurer jusqu’en 1975.
Dans cette “nouvelle Espagne”, il n’y a plus de place pour les droits
civils, les partis politiques, les syndicats ni même pour toute pensée
ou action qui ne serait pas conforme à la norme imposée. La violence devenue institutionnelle repose sur deux leviers, la répression
et la propagande, et elle envahit tous les domaines de la vie des
hommes et des femmes. À travers les emprisonnements, les procès
sommaires et les exécutions, le régime dénonce et élimine physiquement “les vaincus”.
Confrontés à une telle situation, nombreux seront ceux qui trouveront dans l’exil à l’étranger la seule voie de survie. Néanmoins,
la plupart devront subir un “exil intérieur” empli de violences:
humiliations publiques, épuration et expropriations forcées mais
aussi rééducation idéologique et morale et brutalité de la violence
sexuelle. La répression est infligée même au-delà de la mort.
SALLE II
PATERNA: FOSSES COMMUNES ET MÉMOIRE
Le cimetière et le mur du Terrer
Paterna constitue un exemple paradigmatique de la répression
franquiste de l’après-guerre. Cette commune, située à un peu
moins de dix kilomètres de Valence, abrite deux espaces emblématiques de la violence et de la mémoire: le mur du Terrer, qui fut un
lieu d’exécutions, et le cimetière municipal, qui devint une grande
fosse commune.
Durant presque deux décennies (1939-1956), la dictature assassina
en ce lieu pas moins de 2.237 personnes, l’immense majorité lors
des cinq premières années. Ces crimes répondent à une politique
préméditée reposant sur l’élimination de ceux que le franquisme
tenaient pour des ennemis du régime.
Ces assassinats condamnèrent les gens au silence et à la peur mais
pas à l’oubli. Dès le début, les familles préservèrent à l’insu du
pouvoir la mémoire de leurs disparus. De fait, certains parvinrent
à faire transporter le corps des leurs “encore chaud” - immédiatement après leur exécution - pour leur éviter la fosse commune.
Ces actions et ces revendications, à la tête desquelles se trouvaient
essentiellement les veuves et les mères, sont le ferment de ce qui,
des décennies plus tard, constituerait le mouvement mémorialiste.
L’archéologie des fosses
C’est toujours à la demande des familles que commence le processus de récupération des corps des victimes. Loin de la fosse, le travail débute par une recherche complexe de documentation historique et de témoignages oraux destinés à recueillir des informations
sur les personnes assassinées et les lieux où elles furent enterrées.
Puis, devant la fosse, on creuse la terre pour rechercher les preuves
de ces crimes. Il s’agit d’un processus rigoureux articulé autour
d’un travail d’équipe exigeant une documentation exhaustive de
tout ce qui est exhumé dans le sous-sol afin de reconstituer comment la fosse fut creusée puis remplie: corps, objets et, tout particulièrement, strates de terre. Cette méthodologie de l’exhumation
est tout à fait propre à la discipline archéologique.
Or, ces exhumations n’ont pas seulement pour but de vider les
fosses mais elles visent aussi à retrouver les corps pour permettre
l’identification des victimes. C’est la raison pour laquelle une partie essentielle de ce processus repose sur l’étude anthropologique et
médico-légale des restes, sur les entretiens menés avec les familles
et sur les analyses ADN.
Même si l’archéologie n’est pas toujours en mesure d’identifier les
corps, elle parvient à remplir une fonction véritablement réparatrice pour les familles. En matérialisant la recherche d’un parent
disparu, l’exhumation permet d’une certaine façon de relier physiquement et symboliquement le présent au passé, la surface au
sous-sol, la vie à la mort.
Savoir où ils sont
Rien que dans le cimetière de Paterna, on ne recense pas moins
de 150 fosses communes du franquisme. Il s’agit de cavités carrées
creusées dans la terre - d’environ 2 mètres sur 2-, qui s’étendent
sur une partie assez importante du vieux cimetière. Certaines font
même 6 mètres de profondeur.
La quantité et la profondeur de ces fosses ainsi que l’utilisation
maximale de l’espace sont la preuve de la préméditation et de
l’atrocité de la répression franquiste: creuser des fosses profondes
de plusieurs mètres implique une intentionnalité évidente, celle de
les remplir de corps.
SALLE III
AU-DELÀ DE LA MATÉRIALITÉ
À l’intérieur et en dehors des fosses
Une cuillère. Quelques boutons. Une petite médaille. Une boîte
d’allumettes. Ces objets du quotidien semblent à première vue
d’une grande banalité. Mais quand ils sont exhumés d’un espace
de répression, ils acquièrent une signification particulière en ce
qu’ils constituent la preuve d’une expertise des crimes tout en
jouant un rôle central dans les processus de construction de notre
mémoire récente.
Pour les disciplines scientifiques, les objets sont autant de documents qui permettent de contextualiser les faits et peuvent participer à l’identification des victimes. Ils incarnent pour les familles
le souvenir de leurs disparus et revêtent une valeur profondément
émotionnelle. Et pour l’ensemble de la société, ils constituent un
déclencheur puissant qui permet d’empathiser et de réfléchir à ce
passé traumatique.
Objets exhumés
Au moment de leur exécution, les personnes fusillées n’avaient que
peu d’objets sur elles. Certains d’entre eux ont survécu à plus de
quatre-vingts ans sous la terre. Les récupérer aide à reconstituer un
instantané de la vie des victimes mais aussi des derniers moments
vécus en prison puis face au peloton d’exécution, dans un contexte
marqué par la cruauté et la violence.
Bien que la dictature ait tout fait pour créer et populariser une
image stéréotypée des victimes de représailles - celle de “rouges”
subversifs et dangereux -, les matériaux exhumés dépeignent une
réalité bien plus nuancée. Les objets conservés dans leurs poches
nous parlent de leurs projets personnels et politiques.
Les cadavres qui gisent dans les fosses sont ceux d’hommes et de
femmes d’âges et d’origines divers. On dénombre des représentants de la bourgeoisie, des gens exerçant des professions libérales
et essentiellement des personnes issues du prolétariat. Des gens qui
représentaient un large éventail de partis politiques et qui, dans
certains cas, jouaient un rôle actif dans la vie politique, militaire,
sociale et culturelle sous la République. Ils étaient cependant tous
unis, bien au-delà de leurs différences, par une même opposition
au fascisme.
Vitrines objets exhumés
Faim et précarité
Pourquoi avoir une cuillère dans sa poche? Qui utilise au quotidien
un peigne anti-poux? Qui dit vie carcérale dit massification, maladies
infectieuses et alimentation déplorable. Ces conditions inhumaines
vécues sous le sceau de la répression causèrent la mort de nombreuses
personnes en prison avant même leur exécution quand d’autres
furent victimes de maladies physiques ou mentales chroniques.
Foi et religiosité populaire
L’anticléricalisme fut un argument sur lequel la dictature s’appuya
pour discréditer et réprimer les partisans de la légalité républicaine. S’il est vrai que certains groupes firent usage de la violence
contre l’église, la République avait instauré la laïcité et la liberté
de culte. De fait, des personnes fusillées ont été retrouvées dans les
fosses en possession d’ objets dévotionnels catholiques.
Répression et contrôle
Être emprisonné implique une privation totale de liberté et une vie
constamment sous surveillance: quotidien sous contrôle, censure,
contrôle des visites, inspection des effets personnels et rééducation
morale et idéologique implacable. L’individu est dépossédé de son
identité pour devenir partie intégrante d’une masse uniforme de coupables. L’exécution constituera le point culminant de cette violence.
Camaraderie
Les conditions de détention misérables suscitent l’entraide et le
soutien mutuel dans cette lutte pour la survie. Partager son tabac,
faire la lecture du journal et de la correspondance à haute voix,
partager un peigne en deux ou écrire une adresse sur un morceau de papier pour demander de l’aide ou pour communiquer ses
coordonnées sont autant de signes des liens affectifs qui se nouent
et de la solidarité qui s’instaure entre les prisonniers.
Différences
Un bouton en bois est bien différent d’un bouton de manchette
orné en métal. Il en va de même pour une ceinture en cuir tressé
et une simple corde, toutes deux cependant destinées à faire tenir
un pantalon. La manière de s’habiller reflète l’appartenance à une
classe sociale. La tenue vestimentaire et les objets personnels individualisent les personnalités.
Évasions
La réclusion a pour résultat une double défaite morale: accepter
la condamnation imposée à l’occasion de procès iniques et se plier
à la contrainte d’un système opposé à ses idéaux. La survie passe
souvent par des stratégies d’évasion mentale, par exemple en fumant, en jouant avec des objets recyclés ou en s’accrochant à des
éléments qui renvoient à la réalité perdue.
Les réprouvées
Parmi toutes les formes de violence subies par les femmes sous le
franquisme, ouvertement paternaliste et misogyne, la condamnation à mort avait pour but d’éliminer toutes celles que la dictature
tenait pour des “rouges” irrécupérables. Les vingt femmes fusillées
à Paterna, qui étaient des femmes engagées tant sur le plan politique qu’intellectuel, furent assassinées pour avoir osé défier le
régime.
Nostalgie
Être confronté à l’isolement et à l’incertitude d’une vie entre les
barreaux exacerbe l’absence des êtres aimés. Le souvenir se matérialise fréquemment à travers les objets. C’est ainsi que certains
détenus gardent précieusement des éléments personnels de l’extérieur - une photo, une tresse. Parallèlement, ils confectionnent des
objets à partir de noyaux de fruit, de pierres, de fil ou de sparte et
les envoient chez eux.
Communiquer
Durant les jours, les mois voire les années de peine à purger, le
contact avec l’extérieur se limite aux visites occasionnelles de la
famille et à la réception du courrier. L’écriture en prison devient
une planche de salut en ce qu’elle permet de garder un lien avec
l’extérieur grâce aux lettres et aux cartes postales qui racontent
le quotidien. Le dernier adieu matérialisé dans la dernière lettre
s’écrit aussi au crayon.
Ne pas oublier
Malgré l’acharnement du régime franquiste à effacer les traces
de la vie et à estomper la mémoire de ces personnes, les familles
expriment leur intention de récupérer les corps dès l’instant qui
suit leur exécution. Parmi les actes de résistance qui enfreignent
les règles, on introduit dans la fosse - grâce à la complicité du fossoyeur- des bouquets de fleurs ou des éléments d’identification tels
que des notes manuscrites avec le prénom et les noms de famille de
la personne fusillée.
Objets familiers
La mort d’une victime de représailles ouvre une brèche profonde.
L’angoisse commence cependant avant, au moment où la famille
doit faire face à la disparition, à la détention et à un procès inique
qui se soldera par une condamnation à mort. Non seulement la
blessure ne cicatrisera pas, et ce à cause de la perte: qui plus est,
elle s’aggravera, à cause du stigmate social qu’il y a à survivre à
l’exécution d’un membre de sa famille.
Les familles sont des victimes chroniques de la répression. Mères,
pères, maris, femmes, fils et filles de “rouges” seront les premiers à
subir toutes sortes de condamnations et d’humiliations. Affronter
ce trauma dans le contexte de la surveillance oppressante de la
dictature n’est pas vécu de la même manière par tout le monde.
Certains décident d’oublier en raison de la douleur et du qu’en
dira-t-on. D’autres optent pour le silence et préfèrent se taire pour
assurer leur propre survie. Enfin, d’autres encore, dans le cercle
intime, prennent le risque de cultiver et de transmettre la mémoire
des disparus aux générations suivantes.
Les femmes feront notamment de leur foyer un espace de résistance où, à l’insu de tous, elles se souviendront et parleront de tout
ce qu’à l’extérieur, on traque. On atténuera souvent l’absence d’un
proche à travers les objets lui ayant appartenu, que l’on conserve,
cachés au fond d’un tiroir, et que l’on chérit en souvenir du disparu.
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SALLE IV
LA MÉMOIRE DÉMOCRATIQUE EN CONSTRUCTION
EXPOSITION EXTÉRIEURE
Archéologie, exhumations et vignettes
Victimes de la “desmemoria”
L’exhumation des fosses communes du franquisme a été très médiatisée. Suite aux premières interventions archéologiques effectuées en 2000 et à l’adoption de la première loi sur la mémoire
historique en 2007, la mémoire de la répression franquiste s’est
imposée dans le débat politique et dans l’opinion publique.
Ce boom de la mémoire est encore bien présent aujourd’hui, ce
qui a permis de connaître un passé récent toujours à vif et d’y
réfléchir. Un passé devenu sujet d’informations à la télévision, à la
radio, dans la presse écrite et sur les réseaux sociaux, ce qui met en
évidence, aujourd’hui plus que jamais, qu’il relève de l’actualité.
L’illustration est une des expressions les mieux à même de transmettre la complexité d’un tel sujet. Que ce soit sous forme de
vignettes dans les journaux ou sous une forme monographique
dans les bandes dessinées et les livres illustrés, la représentation des
fosses communes agit comme une synthèse du débat autour de la
mémoire historique.
Cette compilation d’illustrations propose un parcours visuel qui
permet d’aborder des questions telles que la non-judiciarisation
des crimes du franquisme, l’impunité de la dictature, le traitement
sur le même plan des victimes et des bourreaux, le silence et la
“desmemoria” ou le rôle de l’archéologie dans la construction de
la mémoire démocratique.
Bien que plus de quatre-vingts années se soient écoulées, les familles doivent encore revendiquer leur droit à retrouver leurs disparus et à ce que justice soit faite. Au refus catégorique qui leur
fut opposé sous la dictature, elles durent, une fois la démocratie
restaurée, faire face pendant plusieurs décennies à l’abandon et à
l’inaction institutionnelle. Depuis quelques années seulement, les
pouvoirs publics commencent à assumer la nécessité de mettre en
œuvre des politiques publiques sur la mémoire.
Le cadre international relatif aux droits humains établit comme
piliers incontournables des sociétés démocratiques le droit à la mémoire et la garantie de non-répétition. Ce droit revendique la Vérité
pour connaître le passé et parler de ce qui s’est produit; la Justice
pour faire la lumière sur les crimes et lutter contre l’impunité, et la
Réparation pour traiter les victimes avec l’humanité qui leur est due
et permettre ainsi aux familles de faire leur deuil.
Quel que soit notre degré de conscience sur ce passé traumatique,
il touche l’ensemble de notre société parce qu’il fait partie de nous.
C’est la raison pour laquelle nous devons comprendre que la
construction de la mémoire relève d’une responsabilité collective.
Nous savons qui nous sommes
Derrière les chiffres, toujours bouleversants, se cachent des personnes précises, avec un prénom, des noms de famille et des parcours de vie. Si leur souvenir a souvent perduré dans la sphère
familiale, dans la sphère publique en revanche, leur vie a souvent
été réduite à leur condition de victimes, comme si leur identité
n’était plus définie que par le dernier instant de leur vie: l’exécution et la fosse.
Savoir qui ils étaient et ce qu’ils ont fait avant d’être assassinés permet de les recréer en vie à travers leurs parcours personnels et politiques, leurs liens affectifs, leurs espoirs et leurs combats. Chaque
nom et chaque micro-histoire retrouvée et partagée concourt à
briser le silence et la “desmemoria”.
Français
Le passé commence hier et l’archéologie, cette science
spécialisée dans son étude, en est tout à fait consciente.
Bien qu’elle soit connue comme la discipline qui
s’occupe de la découverte de civilisations passées et
d’objets anciens, la réalité est en fait très différente.
L’archéologie étudie tout ce qui est en lien avec
les sociétés humaines de la préhistoire au passé le
plus récent, à travers un large éventail de sources:
objets, paysages, espaces, constructions, écrits, restes
humains… et, quand cela est possible, à travers
également des témoignages oraux.
C’est pourquoi elle se dote d’outils et de méthodologies
très divers qui la relient à d’autres disciplines, telles
que l’histoire, l’anthropologie ou la géologie, ce qui en
fait une science interdisciplinaire.
Ce regard transversal lui permet d’aller au-delà de la
simple extraction du sous-sol. De fait, l’archéologie
a pour but d’analyser, d’interpréter et de diffuser la
connaissance du passé à travers un engagement ferme
en rapport avec les réalités et les conflits du présent.
“Archéologie de la mémoire. Les fosses de Paterna”
propose un voyage dans notre passé récent le plus
traumatique et explique le rôle de l’archéologie dans
la récupération des preuves et des souvenirs de la
répression franquiste.
SALLE IV
SALLE III
SALLE II
SALLE I
EXPOSITION EXTÉRIEURE
SALLE I
L’ARCHÉOLOGIE DU PASSÉ RÉCENT
Les conflits contemporains et l’archéologie
L’histoire de l’humanité est traversée par la barbarie. Des concepts
tels que génocide, crime contre l’humanité ou fosse commune appartiennent
malheureusement à notre réalité. Il est incontestable que le monde
contemporain a été un terrain d’expérimentation quant à l’usage
de la violence et de la répression utilisées comme mécanismes
de légitimation du pouvoir, de la purge et de l’élimination de la
dissidence.
On impose le silence sur ce passé traumatique mais les preuves,
souvent dissimulées ou détruites, résistent. Le souvenir d’un parent, les baraquements d’un camp de concentration, le signalement d’une fosse commune ou la lettre d’adieu d’une personne
condamnée à mort sont autant de preuves irréfutables des violations des droits les plus fondamentaux.
À partir de ces preuves, l’archéologie - notamment sa spécialité
médico-légale -travaille à l’élucidation des crimes et à la restitution
des corps et des parcours de vie des victimes. Elle participe égale-
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ment à la connaissance des espaces où ces crimes ont été perpétrés
et des lieux de mémoire à l’échelle internationale.
L’archéologie médico-légale
Retrouver les disparus victimes de la violence d’État trouve son
origine dans les travaux de l’archéologie médico-légale menés en
Amérique Latine. L’Argentine est l’un des premiers pays à avoir
ouvert des enquêtes sur les crimes perpétrés contre sa population
civile sous la dictature militaire.
Ce besoin de faire justice constitue l’embryon de nombreuses démarches scientifiques qui, depuis les années quatre-vingt, sont menées dans le monde entier. Cette pratique s’inscrit dans les directives et les règlements internationaux en matière de droits humains.
Ce n’est qu’au début du xxie siècle que l’État espagnol a mis en
œuvre ces protocoles appliqués à la recherche sur la répression
pendant la guerre et sous la dictature. Ce sont notamment les familles des victimes du franquisme qui n’ont eu de cesse de réclamer auprès des pouvoirs publics le droit à la vérité, à la justice et
à la réparation.
Ces revendications sont toujours en vigueur aujourd’hui. Il n’en
demeure pas moins que la législation espagnole ne prévoit pas la
judiciarisation des assassinats commis sous la dictature car elle estime que ces crimes sont prescrits, ce qui constitue une anomalie.
Savoir qui ils sont
L’ouverture des fosses constitue non pas la fin du processus mais
son début. Il faut redonner leur nom aux victimes, accompagner
leurs familles, leur donner la parole et faire de ce trauma un objet
de réflexion et d’engagement public.
Il s’agit là d’un long processus, minutieux et complexe, qui ne
donne pas toujours les résultats escomptés et qui exige une éthique
sociale et professionnelle.
L’identification génétique des restes humains commence paradoxalement par un élément aussi aseptisé qu’une boîte en carton, où
sont déposés les restes, dans l’attente des résultats des analyses ADN.
L’après-guerre et la répression en Espagne
La guerre d’Espagne prend fin en 1939, sans pour autant déboucher
sur la paix. Suite au coup d’État de 1936, le général Francisco Franco
a recours à la force pour instaurer un régime militaire totalitaire, profondément anti-démocratique, qui va perdurer jusqu’en 1975.
Dans cette “nouvelle Espagne”, il n’y a plus de place pour les droits
civils, les partis politiques, les syndicats ni même pour toute pensée
ou action qui ne serait pas conforme à la norme imposée. La violence devenue institutionnelle repose sur deux leviers, la répression
et la propagande, et elle envahit tous les domaines de la vie des
hommes et des femmes. À travers les emprisonnements, les procès
sommaires et les exécutions, le régime dénonce et élimine physiquement “les vaincus”.
Confrontés à une telle situation, nombreux seront ceux qui trouveront dans l’exil à l’étranger la seule voie de survie. Néanmoins,
la plupart devront subir un “exil intérieur” empli de violences:
humiliations publiques, épuration et expropriations forcées mais
aussi rééducation idéologique et morale et brutalité de la violence
sexuelle. La répression est infligée même au-delà de la mort.
SALLE II
PATERNA: FOSSES COMMUNES ET MÉMOIRE
Le cimetière et le mur du Terrer
Paterna constitue un exemple paradigmatique de la répression
franquiste de l’après-guerre. Cette commune, située à un peu
moins de dix kilomètres de Valence, abrite deux espaces emblématiques de la violence et de la mémoire: le mur du Terrer, qui fut un
lieu d’exécutions, et le cimetière municipal, qui devint une grande
fosse commune.
Durant presque deux décennies (1939-1956), la dictature assassina
en ce lieu pas moins de 2.237 personnes, l’immense majorité lors
des cinq premières années. Ces crimes répondent à une politique
préméditée reposant sur l’élimination de ceux que le franquisme
tenaient pour des ennemis du régime.
Ces assassinats condamnèrent les gens au silence et à la peur mais
pas à l’oubli. Dès le début, les familles préservèrent à l’insu du
pouvoir la mémoire de leurs disparus. De fait, certains parvinrent
à faire transporter le corps des leurs “encore chaud” - immédiatement après leur exécution - pour leur éviter la fosse commune.
Ces actions et ces revendications, à la tête desquelles se trouvaient
essentiellement les veuves et les mères, sont le ferment de ce qui,
des décennies plus tard, constituerait le mouvement mémorialiste.
L’archéologie des fosses
C’est toujours à la demande des familles que commence le processus de récupération des corps des victimes. Loin de la fosse, le travail débute par une recherche complexe de documentation historique et de témoignages oraux destinés à recueillir des informations
sur les personnes assassinées et les lieux où elles furent enterrées.
Puis, devant la fosse, on creuse la terre pour rechercher les preuves
de ces crimes. Il s’agit d’un processus rigoureux articulé autour
d’un travail d’équipe exigeant une documentation exhaustive de
tout ce qui est exhumé dans le sous-sol afin de reconstituer comment la fosse fut creusée puis remplie: corps, objets et, tout particulièrement, strates de terre. Cette méthodologie de l’exhumation
est tout à fait propre à la discipline archéologique.
Or, ces exhumations n’ont pas seulement pour but de vider les
fosses mais elles visent aussi à retrouver les corps pour permettre
l’identification des victimes. C’est la raison pour laquelle une partie essentielle de ce processus repose sur l’étude anthropologique et
médico-légale des restes, sur les entretiens menés avec les familles
et sur les analyses ADN.
Même si l’archéologie n’est pas toujours en mesure d’identifier les
corps, elle parvient à remplir une fonction véritablement réparatrice pour les familles. En matérialisant la recherche d’un parent
disparu, l’exhumation permet d’une certaine façon de relier physiquement et symboliquement le présent au passé, la surface au
sous-sol, la vie à la mort.
Savoir où ils sont
Rien que dans le cimetière de Paterna, on ne recense pas moins
de 150 fosses communes du franquisme. Il s’agit de cavités carrées
creusées dans la terre - d’environ 2 mètres sur 2-, qui s’étendent
sur une partie assez importante du vieux cimetière. Certaines font
même 6 mètres de profondeur.
La quantité et la profondeur de ces fosses ainsi que l’utilisation
maximale de l’espace sont la preuve de la préméditation et de
l’atrocité de la répression franquiste: creuser des fosses profondes
de plusieurs mètres implique une intentionnalité évidente, celle de
les remplir de corps.
SALLE III
AU-DELÀ DE LA MATÉRIALITÉ
À l’intérieur et en dehors des fosses
Une cuillère. Quelques boutons. Une petite médaille. Une boîte
d’allumettes. Ces objets du quotidien semblent à première vue
d’une grande banalité. Mais quand ils sont exhumés d’un espace
de répression, ils acquièrent une signification particulière en ce
qu’ils constituent la preuve d’une expertise des crimes tout en
jouant un rôle central dans les processus de construction de notre
mémoire récente.
Pour les disciplines scientifiques, les objets sont autant de documents qui permettent de contextualiser les faits et peuvent participer à l’identification des victimes. Ils incarnent pour les familles
le souvenir de leurs disparus et revêtent une valeur profondément
émotionnelle. Et pour l’ensemble de la société, ils constituent un
déclencheur puissant qui permet d’empathiser et de réfléchir à ce
passé traumatique.
Objets exhumés
Au moment de leur exécution, les personnes fusillées n’avaient que
peu d’objets sur elles. Certains d’entre eux ont survécu à plus de
quatre-vingts ans sous la terre. Les récupérer aide à reconstituer un
instantané de la vie des victimes mais aussi des derniers moments
vécus en prison puis face au peloton d’exécution, dans un contexte
marqué par la cruauté et la violence.
Bien que la dictature ait tout fait pour créer et populariser une
image stéréotypée des victimes de représailles - celle de “rouges”
subversifs et dangereux -, les matériaux exhumés dépeignent une
réalité bien plus nuancée. Les objets conservés dans leurs poches
nous parlent de leurs projets personnels et politiques.
Les cadavres qui gisent dans les fosses sont ceux d’hommes et de
femmes d’âges et d’origines divers. On dénombre des représentants de la bourgeoisie, des gens exerçant des professions libérales
et essentiellement des personnes issues du prolétariat. Des gens qui
représentaient un large éventail de partis politiques et qui, dans
certains cas, jouaient un rôle actif dans la vie politique, militaire,
sociale et culturelle sous la République. Ils étaient cependant tous
unis, bien au-delà de leurs différences, par une même opposition
au fascisme.
Vitrines objets exhumés
Faim et précarité
Pourquoi avoir une cuillère dans sa poche? Qui utilise au quotidien
un peigne anti-poux? Qui dit vie carcérale dit massification, maladies
infectieuses et alimentation déplorable. Ces conditions inhumaines
vécues sous le sceau de la répression causèrent la mort de nombreuses
personnes en prison avant même leur exécution quand d’autres
furent victimes de maladies physiques ou mentales chroniques.
Foi et religiosité populaire
L’anticléricalisme fut un argument sur lequel la dictature s’appuya
pour discréditer et réprimer les partisans de la légalité républicaine. S’il est vrai que certains groupes firent usage de la violence
contre l’église, la République avait instauré la laïcité et la liberté
de culte. De fait, des personnes fusillées ont été retrouvées dans les
fosses en possession d’ objets dévotionnels catholiques.
Répression et contrôle
Être emprisonné implique une privation totale de liberté et une vie
constamment sous surveillance: quotidien sous contrôle, censure,
contrôle des visites, inspection des effets personnels et rééducation
morale et idéologique implacable. L’individu est dépossédé de son
identité pour devenir partie intégrante d’une masse uniforme de coupables. L’exécution constituera le point culminant de cette violence.
Camaraderie
Les conditions de détention misérables suscitent l’entraide et le
soutien mutuel dans cette lutte pour la survie. Partager son tabac,
faire la lecture du journal et de la correspondance à haute voix,
partager un peigne en deux ou écrire une adresse sur un morceau de papier pour demander de l’aide ou pour communiquer ses
coordonnées sont autant de signes des liens affectifs qui se nouent
et de la solidarité qui s’instaure entre les prisonniers.
Différences
Un bouton en bois est bien différent d’un bouton de manchette
orné en métal. Il en va de même pour une ceinture en cuir tressé
et une simple corde, toutes deux cependant destinées à faire tenir
un pantalon. La manière de s’habiller reflète l’appartenance à une
classe sociale. La tenue vestimentaire et les objets personnels individualisent les personnalités.
Évasions
La réclusion a pour résultat une double défaite morale: accepter
la condamnation imposée à l’occasion de procès iniques et se plier
à la contrainte d’un système opposé à ses idéaux. La survie passe
souvent par des stratégies d’évasion mentale, par exemple en fumant, en jouant avec des objets recyclés ou en s’accrochant à des
éléments qui renvoient à la réalité perdue.
Les réprouvées
Parmi toutes les formes de violence subies par les femmes sous le
franquisme, ouvertement paternaliste et misogyne, la condamnation à mort avait pour but d’éliminer toutes celles que la dictature
tenait pour des “rouges” irrécupérables. Les vingt femmes fusillées
à Paterna, qui étaient des femmes engagées tant sur le plan politique qu’intellectuel, furent assassinées pour avoir osé défier le
régime.
Nostalgie
Être confronté à l’isolement et à l’incertitude d’une vie entre les
barreaux exacerbe l’absence des êtres aimés. Le souvenir se matérialise fréquemment à travers les objets. C’est ainsi que certains
détenus gardent précieusement des éléments personnels de l’extérieur - une photo, une tresse. Parallèlement, ils confectionnent des
objets à partir de noyaux de fruit, de pierres, de fil ou de sparte et
les envoient chez eux.
Communiquer
Durant les jours, les mois voire les années de peine à purger, le
contact avec l’extérieur se limite aux visites occasionnelles de la
famille et à la réception du courrier. L’écriture en prison devient
une planche de salut en ce qu’elle permet de garder un lien avec
l’extérieur grâce aux lettres et aux cartes postales qui racontent
le quotidien. Le dernier adieu matérialisé dans la dernière lettre
s’écrit aussi au crayon.
Ne pas oublier
Malgré l’acharnement du régime franquiste à effacer les traces
de la vie et à estomper la mémoire de ces personnes, les familles
expriment leur intention de récupérer les corps dès l’instant qui
suit leur exécution. Parmi les actes de résistance qui enfreignent
les règles, on introduit dans la fosse - grâce à la complicité du fossoyeur- des bouquets de fleurs ou des éléments d’identification tels
que des notes manuscrites avec le prénom et les noms de famille de
la personne fusillée.
Objets familiers
La mort d’une victime de représailles ouvre une brèche profonde.
L’angoisse commence cependant avant, au moment où la famille
doit faire face à la disparition, à la détention et à un procès inique
qui se soldera par une condamnation à mort. Non seulement la
blessure ne cicatrisera pas, et ce à cause de la perte: qui plus est,
elle s’aggravera, à cause du stigmate social qu’il y a à survivre à
l’exécution d’un membre de sa famille.
Les familles sont des victimes chroniques de la répression. Mères,
pères, maris, femmes, fils et filles de “rouges” seront les premiers à
subir toutes sortes de condamnations et d’humiliations. Affronter
ce trauma dans le contexte de la surveillance oppressante de la
dictature n’est pas vécu de la même manière par tout le monde.
Certains décident d’oublier en raison de la douleur et du qu’en
dira-t-on. D’autres optent pour le silence et préfèrent se taire pour
assurer leur propre survie. Enfin, d’autres encore, dans le cercle
intime, prennent le risque de cultiver et de transmettre la mémoire
des disparus aux générations suivantes.
Les femmes feront notamment de leur foyer un espace de résistance où, à l’insu de tous, elles se souviendront et parleront de tout
ce qu’à l’extérieur, on traque. On atténuera souvent l’absence d’un
proche à travers les objets lui ayant appartenu, que l’on conserve,
cachés au fond d’un tiroir, et que l’on chérit en souvenir du disparu.
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